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MDCXXXVII

Rémission en faveur de Guillaume Delacroix, dit Larbalétrier, prisonnier à Châtellerault pour le meurtre de Hardy de Montours, qui l’avait attaqué et frappé le premier.

  • B AN JJ. 205, n° 209, fol. 115
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 286-289
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Guillaume Delacroix, dit l’Arbalestier, aagé de quarante cinq à cinquante ans ou environ, demourant en la ville de Chasteaulerault, contenant que le derrenier jour d’avril derrenièrement passé, ledit Guillaume Delacroix se transporta en la maison du curé de Chenevelles, en la viconté de Chasteaulerault, avec ung nommé Michau Chevalier, dit Pellegret, hostellier dudit lieu, lequel Pellegret avoit requis, le jour précedent, [p. 287] ledit Guillaume qu’il lui pleust aler avec lui audit lieu de Chenevelles, pour ce qu’il portoit de l’argent au curé dudit lieu. Et ainsi comme ledit Pellegret comptoit l’argent audit curé, ledit Guillaume Delacroix s’en sortit et alla hors de ladicte maison et s’en alla en l’ostel d’un nommé Pierre Ledoulx, hostellier de Chenevelles, et là fut par l’espace d’un quart d’eure, et tantost après s’en retourna vers la porte dudit curé, et en s’en retournant, encontra deux jeunes paiges qui lui demandèrent qui estoit logé chez ledit curé ; lequel Guillaume respondit que Monsieur de la Bessière y devoit loger, et l’un desdiz paiges lui demanda : « Esse pas vous qui avez nom Guillaume l’Arbalestier ? » Ausquelz ledit Guillaume : « Ouy, à vostre commandement. » Et incontinant après arrivèrent deux hommes à cheval, desquelz l’un se nommoit Hardy de Montours1, qui demanderent audit [p. 288] Guillaume : « Esse pas toy qui es sergent qui garde la porte du curé ? « Ausquelz respondit ledit Guillaume que nenny et qu’il n’estoit point sergent, et qui le demandassent au paige qui le congnoissoit bien. Et adonc dist ledit Hardy de Montours qu’il avoit menty et lui demanda à qui il estoit, et ledit Guillaume respondit qu’il estoit à Monsr de Calabre2. Et incontinant lui dit ledit Hardy que non estoit, et dessendit de dessus son cheval, et sans mot dire bailla ung soufflet audit Guillaume, lequel n’en fit compte et n’en dit mot. Et ledit Hardy, non content de ce, lui donna de taille de son espée sur la teste tant qu’il peut, tellement qu’il fit cheoir le chapeau dudit Guillaume à terre ; et après ce fait, ledit Hardy encores derechief lui bailla ung autre cop, duquel, si ledit Guillaume n’eust mis son bras sur sa [p. 289] teste ledit Hardy l’eust griefvement blecé, et lui coppa dudit cop, la manche de sa robe et prepoint et le bleça ung peu au braz, en renoyant Dieu qu’il tueroit tout roidde ledit Guillaume. Et ce voyant icellui Guillaume, fort troublé et esmeu de ainsi estre persécuté, doubtant la fureur dudit Hardy, en soy deffendant, tira une bistoire de dessoubz sa robe et donna audit Hardy ung cop d’estoc parmy la penillière et s’en fouyt, et ledit Hardy après, son espée nue. Lequel Hardy depuis, gisant au lit pour ledit cop, dist qu’il mouroit par sa faulte et qu’il avoit tort d’avoir frappé ledit Guillaume, et ne vouloit qu’il en eust aucun mal, priant à tous ses amys qu’ilz n’en fissent aucun desplaisir au curé de Chenevelles ne autres. Et au moien duquel cop, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ledit Hardy de Montours, deux ou trois jours après, est allé de vie à trespassement. Pour lequel cas ainsi avenu ledit Guillaume Delacroix3 est à present détenu ès prisons de Chasteaulerault en grant misere et povreté et dangier de miserablement finer ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartiz ; humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Nemours, ou moys de may, l’an de grace mil cccc. soixante dix neuf, et de nostre règne le dix huitiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Villebresme. Visa. Contentor. De Moulins. — Registrata.


1 Hardy de Montours était seigneur du Puy-Jourdain et du fief de la Vaugrolière, mouvant de Mauléon, « à lui venuz et escheuz par le décès de ses prédecesseurs, et d’iceulx en a joy paisiblement jusques à son trespas, par lequel trespas lesdictes seigneuries du Puy-Jourdain et de la Vaugrolière ont competé et appartenu à feu Sauvage Jourdain, père du demandeur ». Ce renseignement est tiré d’une plaidoirie du 16 juin 1485, en faveur de Guillaume Jourdain, sr du Puy-Jourdain, qui poursuivait Mathurin Petit, Jean Gauvaing, René Mesnard et Hugues de Puyguyon, écuyer, accusés d’avoir, à la tête d’une bande armée, envahi la Vaugrolière, frappé et blessé Pierre Jourdain, frère de Guillaume, et plusieurs de ses serviteurs, et de s’être emparés de force et d’avoir mis à sac l’hôtel appartenant audit Guillaume. Mathurin Petit et ses frères prétendaient avoir acheté de Hardy de Montours ladite seigneurie et ses appartenances et n’avoir fait autre chose que de se remettre en possession d’un bien qui leur appartenait légitimement et que Guillaume Jourdain détenait indûment. (Arch. nat., X2a 52, aux 18 janvier et 16 juin 1485.) Nous ne savons d’ailleurs quel était le père de Hardy de Montours et à quel titre Sauvage Jourdain lui avait succédé dans les terres du Puy-Jourdain et de la Vaugrolière. Les registres du Parlement fournissent un certain nombre de renseignements sur cette famille de Montours, dont une branche, la branche aînée sans doute, possédait, dès le xive siècle, la seigneurie de Saint-Clémentin. Michel de Montours (de Monte Ursi), sr de Saint-Clémentin, et les principaux habitants de cette ville, étaient en procès, le 10 juin 1356, contre le sire d’Argenton, Jean Sauvin, son capitaine et autres complices, accusés de violences sur les personnes et biens desdits habitants. (X2a 6, fol. 283, v°.) Nous trouvons ensuite, à partir de l’année 1378, Jean de Montours, chevalier, sr de Saint-Clémentin, qui fut père de Clément, Aimery et Berthelot. Prisonnier à la Conciergerie à la requête de Guy d’Argenton et du Procureur du roi, la cour le remit en liberté par arrêt du 29 mai 1378. (X2a 10, fol. 65.) Le 5 mars 1380, il poursuivait à son tour, pour excès, le même Guy d’Argenton, Jean, bâtard de Surgères, Nicolas Broutet, etc. (X2a 9, fol. 190 v°.) Un autre litige que Jean de Montours avait avec ce seigneur d’Argenton touchant le péage du pont de Voultegon et le droit de nomination du châtelain de Saint-Clémentin fut réglé par un accord amiable, homologué par la cour, le 19 nov. 1380. (X1c 41, à la date.) De 1392 à 1398, on retrouve notre personnage en contestation avec Yolande du Retail, veuve de Jean d’Erillé, chevalier, au sujet des terres de la Cigogne, du Coudray et autres. (X1a 39, fol. 15, 30 v°, 175 v° ; X1a 40, fol. 71 ; X1a 45, fol. 106.) Le 21 juillet 1402, autre acte de procédure civile entre Jean de Montours, chevalier, et Bertrand Giraudeau, écuyer. (X1a 49, fol. 164 v°.) Jacques de la Gaubertière, prieur de Saint-Clémentin, avait porté plainte, dès le 4 avril 1405 contre Jean de Montours et ses fils, Clément, Aimery et Berthelot, pour excès, injures et sévices. Cette affaire ne fut jugée que le 18 janvier 1416 n.s. Après la mort de Jean. (X2a 14, fol. 240 ; X2a 15, fol. 13 v° ; X1a 59, fol. 302 v° ; X1a 61, fol. 161 v°.) Ce dernier vivait encore le 14 février 1411 n.s., date d’un arrêt entre lui et son fils Aimery, d’une part, et Etienne Langlois, d’autre, touchant une redevance de sept setiers de blé, etc. (X1a 58, fol. 113.) Quant à Aimery de Montours, il était pour son compte, dès le 1er mars 1385 n.s., demandeur en matière criminelle, ainsi que Robert et Antoine de Sauzay, écuyer, et Geoffroy Talebot, contre Guy, seigneur d’Argenton. (X2a 10, fol. 198 v°.) Postérieurement à ces dates, nous retrouvons un autre Jean de Montours, chevalier, que l’on ne qualifie pas seigneur de Saint-Clémentin, ajourné au Parlement, à la requête du Procureur du roi, de Guillaume, seigneur d’Argenton, et de la veuve de Jean Bertran. (X2a 21, acte du 6 septembre 1436.) Le 7 septembre 1447, le même personnage obtenait de la Cour un ordre d’enquête sur des excès et violences qu’il reprochait à Guillaume, sr d’Argenton, chevalier, et à François de Beaumont. (X2a 23, fol. 337.)

2 C’est-à-dire Charles II d’Anjou, comte du Maine, duc de Calabre, vicomte de Châtellerault, etc., sur lequel cf. ci-dessus, p. 41, note.

3 Le texte du registre porte par erreur en cet endroit « de Montours » au lieu de de Delacroix.