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MDLXXVII

Rémission en faveur de Louis Challot, bâtier de Niort, poursuivi en justice pour le meurtre de Jeanne Herbert, femme de mauvaise vie, avec laquelle il s’était pris de querelle et qui avait insulté sa sœur.

  • B AN JJ. 204, n° 173, fol. 108
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 101-104
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys Challot, bastier de nostre ville de [p. 102] Nyort, aagé de xxii ans ou environ, contenant que deux ans a ou environ, ledit suppliant estant en la compaignie d’un nommé Bardin Legrant, en une maison où l’on vendoit du vin, assise en ladicte ville de Nyort, près la porte Saint-Gelais, et ainsi qu’ilz estoient en ladicte maison, passa une femme nommée Jehanne Herberte, femme de Colas Boucher, et la menoient deux paillars. Lesquelz Bardin et suppliant disdrent : « Vella ses deux paillars qui enmenent ceste femme. Alons après, nous ne faudrons point à les trouver ensemble hors la ville, et gaignerons les robes, car lesdiz paillars sont mariez. » Et lesquelz Bardin et suppliant sortirent hors ladicte maison pour aller après ladicte femme, et ledit Bardin, appell[a] ung nommé Estienne Pinsonneau et son varlet, et ledit suppliant alla en l’ostel de son père à la compaignie desdiz Bardin, Pinsonneau et sondit varlet, lesquelz tous ensemble1 … et mesmement disrent lesdiz suppliant et Bardin, Pinsonneau et sondit varlet ausdiz pailliars qu’ilz estoient mariez et que à eulx n’appartenoit pas de mener une telle femme. Et en disant lesdictes parolles et autres, s’en vindrent tous ensemble en ladicte ville de Nyort, et ainsi qu’ilz alloient en ladicte ville, ledit suppliant dist à ladicte Herberte : « Par le sang Dieu, ribaulde, vous avez laissé vostre mary plusieurs foiz et l’avez laissé et robé. Maiz à ce coup, vous serez menée au bourdeau. » Et ladicte Herberte dist audit suppliant : « Va, va, paillart, va y mener ta seur. » Et quant ilz furent à l’entrée de la porte de ladicte ville, ledit Pinssoneau et sondit varlet prindrent ladicte Herberte soubz le bras et ledit suppliant en leur compaignie en disant ledit suppliant à ladicte Herberte : « A ce coup tu seras menée au bourdeau et seras baillée entre les mains [p. 103] de maistre Denis, comme les autres ribaudes ! » Et ladicte Herberte dist audit Challot : « Va, va, paillart, va querir ta seur et la mène comme moy. » Et quant ledit Challot oyt telles parolles, voyant que sa seur estoit bonne femme, de bon gouvernement et sans avoir aucun reprouche ni blasme, icellui suppliant dist à ladicte Herberte qu’elle mentoit par la gorge. Et en ce disant tira ung cousteau qu’il avoit, et cuidant lui bailler par les cuisses, lui donna dudit cousteau deux cops par le ventre. Et tantost après elle fut menée en l’ostel d’aucuns barbiers et fut abillée par lesdiz barbiers, et pour ce qu’elle estoit incogneue en ladicte ville et n’avoit gens qui la feissent penser comme il appartenoit, quinze jours après ou environ elle alla de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant doubtant rigueur de justice se absenta dudit pays, et à ceste cause fut adjourné à ban, et pour ce qu’il ne comparut aucunement en personne, il a esté banni et ses biens declairez à nous confisquez ; par quoy il ne oseroit ne … ailleurs en nostre royaume jamaiz converser, demourer ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce impartiz, en nous humblement requerant que, attendu le jeune aage dudit suppliant, et que par challeur il a fait ledit cas, non cuidant le faire ainsi qu’il est advenu et en est très fort dolent et courroussé, et que en tous ses autres faiz il s’est tousjours bien et honnestement gouverné, sans avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nosdictes grace et miséricorde. Pour quoy nous, ce considéré, audit suppliant ou cas dessusdit avons quicté, remis et pardonné, et par ces presentes, de grace especial, etc., quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus declaré, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, au seneschal de Poictou et à tous, etc. Donné au Pleissis du Parc, ou moys d’aoust, l’an de grace mil cccc soixante seize, et de nostre règne le xvime.

[p. 104] Ainsi signé : Par le roy, le sire de Chaumont2, du Lude3, de Maigne4 et plusieurs autres presens. J. de Chaumont. — Visa.


1 Sic, mots passés ; il faut suppléer, sans doute, « rejoignirent lesdits paillars ».

2 Charles d’Amboise, sire de Chaumont, chevalier, gouverneur de Champagne, reçut en don du roi, par lettres données au Plessis-du-Parc, au mois de janvier 1476, n.s. le comté de Brienne, les terres et seigneuries de Bourdenay, la Villeneuve-au-Chemin, etc., confisqués sur Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, connétable, exécuté pour crime de lèse-majesté. (JJ. 204, n° 155, fol. 95 v°.) Nous avons dit, ailleurs, qu’il fut, au moins nominalement, d’avril 1475 au 24 novembre 1476, sénéchal de Poitou, office qu’exerçait alors par commission Jean Chambon, conseiller au Parlement. (Vol. précédent, Introduction, p. xxxiv, et p. 381, note.)

3 Jean de Daillon, sr du Lude, gouverneur du Dauphiné. (Ci-dessus, p. 51).

4 Sur ce personnage, voy. ci-dessous.