[p. 617]

MDCCXLIV

Rémission obtenue par Jacques Bonamy, écuyer, seigneur de la Couperie, des peines encourues par lui pour participation à un meurtre. Sa mère, Jacquette Bouchard, s’étant remariée à un homme de vingt-cinq ans plus jeune qu’elle, nommé Savary Gaymart, et celui-ci la maltraitant et la frappant brutalement, Jacques voulut intervenir. Une rixe sanglante éclata entre eux et plusieurs de leurs parents, dans laquelle Bonamy fut grièvement blessé et Gaymart tué.

  • B AN JJ. 211, n° 1, fol. 1
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 617-620
D'après a.

[p. 618] Loys par la1 grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé Jacques Bonnamy, escuier, seigneur de la Couperie ou les païs de Poictou, contenant que Savary Gaymart, aagé de xxv. ans, puis aucun temps ença a espousée Jaquete Boucharde, mere dudit suppliant, qui est aagé de cinquante ans ou environ. Lequel Savary, depuis ledit mariage s’est efforcé de seduyre ladicte Jaquete, sa femme, de soy faire donner et transporter tous ses biens, ce qu’elle n’a voulu faire. Et voyant ledit Savary que sadicte femme ne lui vouloit en ce obeyr, et qu’il estoit jeune et elle estoit ancienne, l’a tractée très durement en la batant et mutilant et avec ce en tenant plusieurs autres femmes, ses concubines emprès elle. Et ce venu à la cognoissance dudit suppliant, a plusieurs foiz remonstré audit Savary que ce n’estoit pas bien fait à luy de ainsi tracter sadicte femme, et qu’il l’a voulsist entretenir ainsi qu’il appartenoit en fait de mariage. Mais ledit Savary en perseverant en sa vie dissolue, a tellement tracté sadicte femme qu’il lui a convenu par plusieurs foiz s’en venir à refuge à l’ostel dudit suppliant son filz. Lequel suppliant a aucunes foiz ramené sadicte mère audit Savary et [tenté] de les appaiser au mieulx qu’il a peu, afin de nourrir paix et amour entre eulx. Mais ce non obstant, cinq ou six jours après, ledit Savary batit et mutila sadicte femme très enormement, en soy efforçant de luy vouloir coupper la gorge, en quoy faisant il la navra tellement qu’elle en fut griefvement au lit malade par aucun temps. Et voyant [p. 619] ladicte femme qu’elle ne pourroit plus vivre ne demourer avec sondit mary, après ce qu’elle fut ung pou revenue, elle se fist transporter à l’ostel dudit suppliant, qui est distant de la maison dudit Savary d’une lieue ou environ ; auquel suppliant elle racompta comment sondit mary la tractoit de pis en pix et comment il luy avoit voulu coupper la gorge, et qu’elle ne pourroit plus demourer avec luy, en requerant audit suppliant, son filz, qu’il alast querir ses robes et habillement. A ceste cause ledit suppliant Jehan Mullet (sic), son frère, et Colas Bernard, leur serviteur, le xiiiie jour de juillet derrenier passé, se partirent dudit lieu de la Couperie et alèrent au lieu du Plantis, ouquel lieu ledit Savary estoit demourant, et y trouvèrent ledit Savary et sa mère qu’il y avoit fait venir, ensemble ung franc archier d’extrange païs, et eulx arrivez, parlèrent ensemble gracieusement desdictes questions. Mais en ce faisant, survint illec Françoys Gaymart, frère dudit Savary, qui dist audit suppliant que, s’il ne sortoit hors dudit hostel, qu’il le oultrageroit. Lequel suppliant, voyant que ledit François estoit mal meu, pour obvier à inconvenient, sortit hors dudit hostel. Mais ledit François, non content de ce, tira ung braquemart qu’il avoit, et ala après ledit suppliant et s’efforça l’en vouloir oultrager et tuer par plusieurs foiz ; mais ledit suppliant, pour obéir à la fureur dudit François, tira une espée qu’il avoit pour soy defendre. Et ce voyans, lesdiz Savary, sa mère et franc archier coururent sus audit suppliant, et le frapa ladicte mère dudit Savary, tellement qu’il cheut à terre, et luy estant à terre, fut frapé par ledit Savary et autres dessusdiz ses complices plusieurs cops et en plusieurs parties de son corps, et luy firent neuf playes presque toutes mortelles. Et ce voyant, ledit Mallet (sic), frère dudit suppliant, et ledit Bernard, son serviteur, pour secourir audit suppliant et le preserver de mort, baillèrent ung cop ou deux audit Savary, au moyen desquelz cops, [p. 620] par faulte de gouvernement, il est alé de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant s’est mis en franchise, requerant, etc. Pour quoy, etc., audit suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys d’aoust l’an de grace mil cccc. quatre vings et troys, et de nostre règne le xxiiie2.

Ainsi signé : Par le Conseil, Guiberteau. — Visa. Contentor. D’Asnières.


1 Jacques Gaymard (Gueymart ou Guymart), écuyer, puis sa veuve damoiselle Françoise Maître et ses enfants François et Jean poursuivirent Jacquette Bouchard, Jacques Bonamy et Jean Millet devant le sénéchal de Poitou, puis, sur appel au Parlement où ils obtinrent contre les défendeurs plusieurs défauts du 18 janvier 1485 n. st. (X2A 52), 14 février 1486 n. st. (X2A 54). 6 mars 1486 n. st. (X2A 51), enfin 14 février 1487 n. st. (X2A 51). Le 16 février (ibid.), la Cour ordonna que la cause de frère Jacque Bonamy, moine bénédictin, — il avait évidemment pris l’habit dans l’intervalle — serait rendue à l’évêque de Paris. [L.C.]

2 Dans le registre JJ. 211, tous les actes de cette date sont donnés par le Conseil et datés de Paris, alors que Louis XI n’a pas bougé de Montils-les-Tours (Itinéraire, ap. Vaësen et de Mandrot, Lettres, t. XI, p. 236). C’est le conseil du Parlement sans doute. Il y en a de la même écriture et de la même provenance pour Louis XI et Charles VIII. [L.C.]