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MDLXXVIII

Rémission accordée à Pierre Michelon, bachelier en lois, étudiant à l’Université de Poitiers, détenu prisonnier à la Conciergerie du Palais de cette ville pour meurtre commis dans une rixe d’étudiants.

  • B AN JJ. 195, n° 1665, fol. 434 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 104-108
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de maistre Pierre Michelon, bachelier en loix, escollier, aagé de xxiiii. ans ou environ, escollier estudiant en l’Université de Poictiers, avons receue (sic), contenant que, le venredi vie jour de ce present [mois] de septembre, environ vii heures de nuyt, ledit maistre Pierre Michelon, maistre Clement Beranger et Jehan de La Fontanille, escolliers, demourans ensemble en ladicte ville de Poictiers, en la maison des Chastelliers, allèrent à l’esbat au Marché vieil où communement ont acoustumé aller les escolliers de ladicte Université, et prindrent lesdiz Michelon et Berenger chacun une espée soubz leurs robbes, et avecques ce ledit Michelon ung cor de terre en sa main. Et quant ilz furent oudit Marchié, ledit Michelon dist audit [p. 105] Beranger et Fontanille que, s’ilz voulloient, il feroient assembler grant nombre de chiens au son de son cornet. Et ainsi que ledit Michelon cornoit, oyrent ung breton, demourant oudit Marchié qui cornoit semblablement d’un autre cor, et icelui Michelon deist ausdit Beranger et Fontanille : « Allons à celui qui corne pour accorder noz cornetz ensemble », et s’en allèrent vers ledit breton, que trouvèrent à la porte de sa maison, auquel ledit Michelon demanda où estoit sondit cor, en lui priant qu’il en cornast pour l’accorder avec le sien. Et ainsi qu’ilz disoient lesdictes parolles, virent venir de divers les Jacobins sept ou huit escolliers avec grans bastons ferrez qui traversoient ledit Marché Vieil, et si tost qu’ilz s’approuchèrent, icelui Michelon marcha en avant jusques auprès du chemin où lesdiz sept ou huit portans ces longs bastons passoient, et se mist sur ung bors pour regarder se lesdiz escolliers avoient point de femme avec eulx, sans leur dire ne leur voulloir faire aucun mal ne desplaisir. Incontinant ung desdiz escolliers, dont ledit Michelon ne scet le nom, meu de mauvais couraige et desplaisant de ce que ledit Michelon les regardoit, s’efforça de voulloir frapper icelui Michelon d’un espié ou baston ferré, et se ledit Michelon n’eust levé les mains pour retenir le coup, ledit escollier l’eust fort blecié et navré, mais, au moien de ce que ledit Michelon se reculla, ne ataignit que les mains seullement. Et ce fait, lesdiz Michelon, Beranger et Fontanille, voyans que ledit Michelon avoit esté oultragé et pensans que iceulx escolliers eussent la dicte femme, allèrent en leurdit logeis pour querir leurs bastons, et en passant par devant la maison d’un nommé Bourguignon, cordouannier, où demeuroit ung nommé Mery Michelon, frère dudit Pierre Michelon, appellèrent ledit Mery pour le mener avec eulx, et tous ensemble allèrent à leurdit logis et prindrent chacun ung baston ferré, c’est assavoir ledit Pierre Michelon une partizanne et ledit [Mery] Michelon [p. 106] son frère une autre, et ledit Beranger ung espiot ferré et ledit Fontanille une espée emanchée ; et ce fait, sans aucun arrest et de chaude colle s’en allèrent vers la maison d’une …1 près dudit Marchié, pour cuider trouver lesdiz sept ou huit escolliers qui, à leur avis, menoient ladicte femme, et tout court s’en retournèrent dudit Marchié en poursuivant et courant après lesdiz escolliers, et remontèrent entre le colleige de la Sezaine (sic) et la maison du Mouston2, et eulx assemblez, d’une part et d’autre, ledit Michelon dist à ses compaignons : « Dessus, dessus », en commançant à frapper sur lesdiz escolliers, ouquel conflict lesdiz escolliers frappèrent sur la pertizanne dudit Pierre Michelon tellement que le bois rompit auprès du fer et tumba en la rue. Et lors voyant ledit Michelon lui estre desgarni de baston pour eviter que lesdiz escolliers ne le oultragassent, se retira devers sesdiz compaignons, et lesdiz escolliers frappèrent sur ledit Michelon et le recullèrent jusques deça la traverse qui va vers Nostre-Dame de la Chandellière dudit Poitiers, et illecques se combatirent les ungs aux autres en une espasse de temps et jusques à ce que ung desdiz escolliers nommé maistre Guillaume de Dromo s’estoit departi tout seul d’avecques sesdiz compaignons et tout seul avoit tiré en la grant rue qui va à la porte de la Trenchée dudit Poitiers ; ouquel lieu il apperceut ledit Pierre Michelon estre fort empesché contre sesdiz compaignons, vint contre lui avecques son baston tandu, en le cuidant enferrer. Mais ce voyant, ledit Mery Michelon voulant secourir sondit frère mist son baston au devant et ledit feu Dromo se vint estorquer et enferrer dedens et cria à haulte voiz [p. 107] qu’il estoit mort. Et ce voyant les compaignons dudit feu Dromo s’enfouyrent et recullèrent et lesdiz Aymery et [Pierre] Michelons, Beranger et Fontanille les suivirent jusques à l’église de Nostre-Dame de la Chandellière, et lesdiz escolliers s’en allerent vers l’église Saint-Yllaire le Grant de Poitiers. Et atant lesdiz Aymery et ses compaignons s’en allèrent le long de la rue au long des vignes derrière les Augustins et gectèrent lesdiz Beranger et Fontanille et Pierre Michelon et Mery son frere, leursdiz bastons en une vigne derrière lesdiz Augustins et s’en allèrent coucher en leurdicte maison ; et en allant, ledit Mery Michelon dist à sesdiz compaignons que l’un desdiz escolliers s’estoit frappé et enferré dedens sondit baston. Et eulx arrivez en leurdit logeis se couchèrent, et dix heures après (sic) mynuit ou environ, lesdiz Michelon et sesdiz compaignons se relevèrent et avecques une torche allumée allèrent au lieu où avoit esté frappé ledit Dromo, cuidant trouver le fer de la pertizanne dudit Michelon, lequel ilz ne peuvent trouver ; et après s’en retournèrent iceulx Michelons et leursdiz compaignons en leurdit logeis, et en passant prindrent leurs bastons qu’ilz avoient mucez en ladicte vigne. Et le lendemain, heure de sept heures de matin, une femme nommée Jehanne Limosine, lavandière, vint dire audit maistre Pierre Michelon et à sesdiz compaignons que, auprès de l’ostellerie dudit Mouton, avoit la nuit esté tué ung escollier. Lesquelles choses oyes, ledit maistre Pierre Michelon dist à sesdiz compaignons qu’ilz feissent bonne contenance et qu’ilz ne s’en fuissent point ; et panssèrent en eulx mesmes que c’estoit celui qui disoit que ledit Mery l’avoit frappé. Et doubtans qu’ilz ne fussent trouvez saisiz desdiz bastons, les geterent ès retraiz dudit ostel ; et tantost après, ainsi que lesdiz maistre Pierre Michelon et Beranger aloient aux Augustins pour ouir messe, furent prins par Colas Godart et autres nos sergens, et menez [p. 108] prisonniers en la Conciergerie de nostre Palais à Poitiers. Et depuis, pour ce que ledit Pierre Michelon estoit clerc, a esté par nostre seneschal de Poitou ou son lieutenant rendu et mené prisonnier ès prisons de nostre amé et féal conseiller l’evesque de Poitiers3, ausquelles il est en voye de finer miserablement ses jours, se nostre grace, etc., en nous humblement requerant que, attendu qu’il n’a pas fait lesdiz cops et que ledit deffunct et ses compaignons estoient agresseurs, qu’il a tousjours esté de bonne vie, renommée, et l’avoient frappé comme dit est, et que jamais ne leur avoit fait ne dit aucune chose dont ilz deussent estre mal contens, et est de bonne vie et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pourquoy nous, etc., audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, et de nostre plus ample grace, etc., quictons, remettons et pardonnons ledit fait et cas dessus declairé, avec toute peine, etc., et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc., et sur ce imposons scillence perpetuel à nostre procureur, present et avenir. Si donnons en mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou mois de septembre, l’an de grace mil cccc. soixante seize et de nostre regne le xvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil, E pet (sic). — Visa. Contentor. Picart.


1 Mot en blanc au registre.

2 Il est déjà question de l’hôtellerie du Mouton dans des lettres de rémission du 30 mars 1464, en faveur de Jacques de Belleville, pour le meurtre d’un fermier de la prévôté de Poitiers. (Arch. hist., t. XXXV, p. 456, 459.)

3 Alors Jean VI Du Bellay, cinquième fils de Hugues Du Bellay, tué à Azincourt ; fut abbé de Saint-Florent de Saumur (1431), évêque de Fréjus (novembre 1455), puis évêque de Poitiers de 1461 au 3 septembre 1479, date de sa mort. (Gallia christ., t. II, col. 1201.) — Le Dict. des familles du Poitou (2e édit., t. I, p. 423) dit 1478. [L.C.]