[p. 460]

MDCXCIV

Mandement au sénéchal de Poitou de procéder à l’entérinement de lettres de rémission rectifiées, obtenues par Louis de Pindray, écuyer, homme d’armes de l’ordonnance, pour le meurtre de Mathieu Bozier, avec lequel il était en contestation touchant la récolte d’une pièce de terre.

  • B AN JJ. 207, n° 105, fol. 52
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 460-463
D'après a.

Loys, etc., au seneschal de Poictou ou à son lieuxtenant, [p. 461] salut. L’umble supplicacion de nostre bien amé Loys de Pindray, escuier, homme d’armes de nostre ordonnance soubz la charge de nostre cher et amé filz l’Admiral de France1, avons receue, contenant que, dès le mois d’aoust derrenier passé, aucuns des parens et amis dudit suppliant, lui estant absent, ont obtenu, pour lui et Jehan Grosset son serviteur, lettre de remission, grace et pardon de la mort et obmicide par eulx commise en la personne de feu Mathieu Bozier, homme de labeur par le temps qu’il vivoit, à l’occasion de la percession des fruiz creuz et artemps. (sic)2 en certaine piece de terre audit suppliant et ses predecesseurs appartenans, par vertu desquelles et moiennant voz lettres executoires sur ce, les parens et amis charnelz dudit feu ont esté convenuz et adjournez par devant vous à certain brief jour à escheoir, pour icelles veoir enteriner ou les contredire et debouter, se mestier est. Mais au moien de ce que èsdictes lettres de remission a esté obmis que oudict conflict et acte contenu en icelles lettres, à la perception desdiz fruiz aucuns des varletz et serviteurs d’icellui suppliant avoient porté deux javelines et ung espiot, dont toutes voyes ne fut aucun frappé ne blecié, et aussi qu’il l’avoit fait pour ce que ledict feu Mathieu Bozier et icellui (ici une phrase omise) suppliant certain long temps paravant avoient en parolles rigoreuses, qui estoient en debat pour ledit champ, doubtant sa personne fist porter lesdiz batons, dont toutesvoyes ne fut batu ne frappé aucun, comme dit est ; aussi a esté adverti que aucuns qui ont veu et visité ledit feu ont voulu dire et supposer que ledit coup que ledit de Pindray, suppliant, [p. 462] donna en la cuisse dudit feu il estoit decedé, et que il avoit dit à sondit serviteur que s’aucun le vouloit oultrager ou prandre lesdiz fruiz, qu’il le tuast, ce qu’il n’est contenu en ladicte remission, ains seullement qui les frappast en maniere que la force lui en demourast ; et aussi par icelles lettres est contenu que ledit feu dist qu’il leveroit les fruiz dudit champ, voulcist icellui suppliant ou non, dont toutes voyes il n’est records qu’il dist « voulcist ou non », bien dist ledit feu qu’il emporteroit ledit blé. Et à ceste cause doubte ledit suppliant que pour ce on lui vueille impugner et contredire et debatre sesdictes lettres de remission et par ce moien lui empescher l’enterinement d’icelles, jaçoit ce que en tous les autres pointz elles soient vrayes, ainsi que ledit suppliant entend deuement monstrer et proceder par devant vous, humblement requerant sur ce nostre provision et remede de justice. Pour quoy Nous, ces choses considerées, que ne voulons, pour lesdictes obmissions l’effait de nosdictes lettres de remission estre empesché, mais icelles estre du tout en tout enterinées, selon leur forme et teneur, vous mandons et pour ce que ledit procès est introduit par devant vous et sont les parties de vostredicte seneschaucié, commectons que, parties presentes ou appellées, ou procureur pour elles, s’il vous appert du contenu èsdictes lettres de remission et joinctes les obmissions dessusdictes, procediez à l’enterinement d’icelles en recevant ledit suppliant à joindre et emploier les faiz dessus posez tout ainsi que s’il les eust donnez à entendre par lesdictes lettres de remission, en faisant au surplus aux parties oyes bon et brief droit. Car ainsi Nous plaist-il estre fait, et audit suppliant de grace especial l’avons octroyé et octroyons par ces presentes, nonobstant l’obmission des choses dessusdictes, pour lesquelles ne voulons l’effect de nosdictes lettres de remission estre aucunement retardé ne empesché, et quelzconques lettres subreptices impectrées ou à impectrer à ce [p. 463] contraires. Donné au Plesseys du Parc, le xxie jour de septembre l’an mil. iiiiciiiixxi, et de nostre regne le xxie.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque d’Alby3, le prothonote (sic) d’Amboise4, maistre Charles de La Vernade5 et autres presens. Amys.


1 Louis, bâtard de Bourbon, fils naturel de Charles Ier, duc de Bourbon, et de Jeanne de Bournan, comte de Roussillon en Dauphiné et de Ligny, avait été pourvu, en mai ou juin 1466, de la charge d’amiral de France, en remplacement de Jean, sire de Montauban, décédé ; il l’exerça jusqu’au 19 janvier 1487 n.s., date de sa mort. (Le P. Anselme. Hist. généal., t. I, p. 308 ; t. VI, p. 857.)

2 Corr. actefiez ?

3 Louis d’Amboise, alors évêque d’Albi depuis le 24 janvier 1475. (Cf. ci-dessus, p. 184, note.)

4 Parmi les nombreux enfants de Pierre d’Amboise, sire de Chaumont, et d’Anne de Bueil, qui suivirent des carrières d’église, plusieurs sont connus dans les textes du règne de Louis XI et sont mentionnés sous ce titre « le protonotaire d’Amboise », qu’ils portaient avant d’atteindre les plus hauts degrés de la hiérarchie (cinq devinrent évêques, archevêques ou cardinaux). A la date des présentes lettres « le protonotaire d’Amboise » ne pouvait être que le fameux Georges d’Amboise, le futur premier ministre de Louis XII. Successivement évêque de Montauban, en 1484, archevêque de Narbonne et de Rouen en 1493, créé cardinal par le pape Alexandre VI en 1498, et l’année suivante légat en France. Il mourut à Lyon le 25 mai 1510 à l’âge de cinquante ans. C’était le huitième des neuf fils de Pierre d’Amboise, sire de Chaumont, qui eut de plus huit filles. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VII, p. 124.)

5 Charles de La Vernade, chevalier, seigneur de la Vernade, maître des requêtes de l’hôtel, exerçait cet office depuis l’année 1472 jusqu’à sa mort survenue le 30 novembre 1504, fut inhumé, ainsi que sa femme Antoinette Spifame, dans une chapelle de l’église Saint-Antoine de Paris. (Blanchard, Les généalogies des Maistres des requêtes. In-fol., 1670, p. 206.)