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MDCX

Rémission en faveur de Pierre Micheau, mercier, natif de Charroux, qui avait frappé mortellement un mendiant ivre, nommé Olivier Farsy, contre lequel il avait été contraint de se défendre, parce que celui-ci, après lui avoir d’abord cherché noise, l’avait assailli à coups de bâton.

  • B AN JJ. 203, n° 77, fol. 46 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 209-212
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Micheau mercier, natif de la ville de Charroux, contenant que, en l’an mil cccc.lxxv ou moys d’aoust, autrement du jour n’est records, ledit suppliant, [p. 210] environ l’eure de vespres, s’en ala à l’ouvrouer d’un nommé Jehan Thenot, cordouannier, lors demourant en ladicte ville, pour lui commander à faire pour lui une paire de souliers, et lui estant sur ledit ouvrouer où il parloit audit cordoannier, survint illec feu Olivier Farsy, povre homme mendiant qui venoit de la taverne de l’ostel d’un nommé Jehan Bonnet, le jeune, fort yvre et ambeu ainsi qu’il avoit de coustume, et aussitôt qu’il fut près dudit suppliant, pour ce qu’il avoit mal en une jambe, luy commença à dire qu’il estoit plain de loups et de parolle en parolle lui dist plusieurs injures, et à ceste cause ledit suppliant lui dist qu’il s’en allast ailleurs espandre son vin et qu’il n’avoit que faire à luy. Dont ledit Farsy ne voult riens faire, ainsi de plus en plus le suyvoit et insistoit de parolles contencieuses et noyseuses. Par quoy ledit suppliant luy dist de rechief qu’il se ostast d’illec et qu’il alast ailleurs espandre son vin, et qu’il estoit yvre. Sur lesquelles parolles ledit feu Farsy dist audit suppliant qu’il avoit menty et pour chose que ledit suppliant lui dist, il ne s’en voult aller, mais de plus en plus ledit feu Farsy, qui estoit injurieux, brigueux, noyseux et yvroigne le suivy et oppressa de parolles tellement que ledit suppliant lui dist que, s’il ne s’en alloit de là, qu’il le frapperoit de l’une des formes dudit courdoannier, combien que à la verité il n’eust entencion de le frapper ne endommager, et le disoit seulement pour luy faire aler. Et toutesfoiz ledit feu Farsy après lesdictes parolles, vint sur ledit suppliant et leva ung groz baston qu’il avoit ou poing et lui couru sus en s’efforçant de frapper ledit suppliant de son baston sur sa teste, ce qu’il eust fait s’il n’eust receu le coup de son bras qu’il mist au devant, sur lequel bras il le frappa deux ou trois coups, et eust encores plus fait se ledit suppliant n’eust prins ledit baston dudit Farsy, et le saisy à travers du corps, en laquelle chose faisant il le gecta à terre et mist soubz lui, où il le frappa seulement du poing deux ou [p. 211] trois coups sur la teste, et atant se leva ledit suppliant de dessus ledit Farsy, qui se releva tout incontinent, mal esmeu et avec sondit baston commença à suivre ledit suppliant qui s’en aloit et fuyoit chez lui, pour obvier à la malice et fureur dudit Farsy, qui estoit fort yvre et dangereux, comme dit est. Et combien que ledit suppliant en s’enfuiant dist plusieurs foiz audit feu Farsy qu’il ne le suivist point et qu’il ne lui demandoit riens, toutes voyes ledit feu Farsy poursuivy plus fort que devant ledit suppliant avec sondit baston levé pour l’en cuider assommer, et tellement que les voisins qui ce voyerent, crioient au dit suppliant telles parolles : « Fuyez, fuyez. » Et de fait ledit feu Farsy suivoit si tost et de près ledit suppliant que, pour obvier à sa fureur, il ne peut gaigner son logeis, et fut contraint pour ce faire de s’en entrer en la maison de Pierre Micheau, son oncle ; mais il n’y peut si tost estre que ledit feu Farsy ne feust à la porte d’icelle maison, s’efforçant de vouloir entrer en icelle après ledit suppliant, pour le vouloir battre et oultrager. Et ce voyant, ledit suppliant, et qu’il ne povoit autrement fuyr ne evader à la fureur dudit Farsy, print une pelle de bois qu’il trouva à l’entrée de ladicte porte et se mist au devant dudit feu Farsy, pour le garder d’entrer en icelle maison. Et en ce faisant, de rechief ledit feu Farsy frappa ledit suppliant de sondit baston et eust plus encores fait se ledit suppliant ne se feust couvert de ladicte pelle et tellement fort que ledit suppliant, voiant que ledit feu Farsy ne vouloit cesser, mais perseveroit tousjours de vouloir frapper dudit baston et que de plus en plus il s’eschaufoit et esmouvoit contre lui, et que, si n’y remedioit, il estoit en danger de sa vie, d’icelle pelle de bois qu’il avoit frappa ledit fou Farsy sur la teste ung coup tant seulement, dont il le bleça à sang courant et playe ouverte, et tellement que au moien dudit coup ledit feu Farsy tumba à terre, dont il ne se peut ressoudre et convint que aucuns qui estoient illec près l’enlevassent. [p. 212] Et depuis fut mené à l’Ospital et aumosnerie dudit lieu de Charroux [où] il demoura malade per quatre ou cinq jours, après lesquelz, pour occasion d’icelluy coup, par faulte de bon gouvernement ou autrement il ala de vie à trespassement. Et combien [que] dudit cas, ainsi advenu que dit est, ledit suppliant feust et soit très [des]plaisant, et que en autres choses il ait tousjours esté bien famé et renommé sans avoir esté actaint d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, neantmoins doubtant rigueur de justice il s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais bonnement converser ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requérant icelles. Pourquoy nous, etc., avons quicté, etc., avec toute peine, etc., en mettant au neant tous, etc. Et les restituons, etc. Et sur ce imposons, etc. Satisfacion, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou, et à tous, etc., que de nostre presente grace, etc. Et afin que ce soit, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. soixante dix sept, et de nostre règne le xviie.

Ainsi signé par dessus le reply desdictes lettres : Par le roy, à la relacion du Conseil. R. Dubrueil. — Visa.