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MDLXXII

Rémission donnée en faveur de Marsault Bresson, franc-archer de Jaunay, qui, en route pour l’expédition de Roussillon, s’était rendu coupable d’un meurtre dans un conflit avec des charretiers qui refusaient de laisser piller le vin qu’ils étaient chargés de conduire.

  • B AN JJ. 201, n° 84, fol. 67
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 85-87
D'après a.

Loys, etc. Savoir, etc., nous, etc., des parens et amiz charnelz de Marsault Bresson, aagé de trente ans ou environ, contenant que, puis deux ans ença ou environ, il fut constitué et mis en l’estat et charge de franc archier de la paroisse de Jaunay, après lequel est[at] par lui prins, il lui convint aller avecques les francs archiers du pays de Poictou ès pays de Roussillon, où nous les envoyasmes certain nombre de francz archiers soubz la charge de nostre amé et feal conseiller Yvon du [Fou]1. Et quant ledit suppliant, accompaigné dez autres francs archiers furent partiz dudit pays de Poictou pour aller oudit pays de Roussillon et eurent tant cheminé qu’ilz arrivèrent ou pays de Rouergue au lieu appellé Parlant, à ung jour de venredi ou moys d’octobre derrenier passé, auquel lieu se logèrent tous laz, mors de fain, de soefz et fort travailliez. Et incontinant qu’ilz furent arrivés audit lieu et qu’ilz eurent prins logis, dirent à leur hoste : « Nostre hoste, nostre amy, que nous ayons du vin. » Lequel leur respondit qu’il n’en avoit point. Et tantoust survint illec, en parlant dudit vin, ung jeune enfant, aagé de xv. à xvi. ans ou environ, lequel leur dist telles parolles : « Messieurs, vous est moyen d’avoir du vin. J’ay veu passer par ce [p. 86] chemin (ouquel il povait avoir ung tret d’arc de leur logis ou environ) quinze ou seize charrestes toutes chargeez de vin. Couré après et que vous en ayez se bon vous semble. » Et incontinant Lyonnet Gauterneau et Guillaume Dubart, compaignons dudit suppliant, sans dire autre chose, coururent après les diz charrestiers et leurs dirent : « Que nous ayons du vin » et les charrestiers dirent que non auroient et que le vin n’estoit pas à eulx. Et adonc, iceulx compaignons, pour voulloir avoir dudit vin, arrestèrent les bestes et chevaulx, et iceulx charrestiers frappèrent sur eulx. Et ce voyant par ledit suppliant qui estoit assez loing d’ilec, en la compaignie d’un serviteur d’un des gentilzhommes dudit pays, lequel estoit illecques venu pour faire suporter les hommes subgez de son maistre, et il vit que l’on oultragoit ses compaignons, print son espée soubz son braz et s’en alla vers eulx pour les cuider reppaiser. Et incontinent qu’il fut arrivé là où ilz estoient, les diz charrestiers frappèrent sur lui plusieurs copz et tellement qu’ilz le gectèrent à terre. Et quant ledit suppliant se vit ainsi oultragé et que s’il ne se deffandoit, il estoit bien en dangier de mort, tira une espée du foureau et en cuida donner ung copt à ung des diz chartiers par la cuisse, mes par sa fortune et avanture, ledit copt eschut à venir au ventre dudit charrestier. A l’occasion duquel cas ainsi fortunement advenu, ledit charretier tantoust après alla de vie à trespas. A l’occasion duquel cas ledit suppliant doubtant rigueur de justice, s’est absenté, etc. et n’oseroit jamès, etc. se noz grace et miséricorde, etc. ; humblement requerant, etc. Pourquoy nous, attendu ce que dit est et le cas est advenu de fortune, etc., avons audit suppliant quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et Rouergue et à tous noz autres, etc. Donné à Tours, ou moys d’aoust, l’an de grace mil iiiic lxxvi, et de nostre règne le xvie.

[p. 87] Ainsi signé : Par le Conseil. Jure. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Le scribe a écrit par erreur « du Four ». On peut voir, dans l’introduction de notre précédent volume (p. xxxiii), quelques renseignements sur l’expédition de Roussillon en 1475 et le rôle qu’y joua Yves du Fou.