MDLXXXVI
Rémission accordée à Pierre Baudin et à Pierre Fradineau, son beau-père, de Limalonges, le premier en fuite, le second détenu prisonnier à cause du meurtre de Martin Launay, neveu de Jean Launay. Ils avaient dû entrer en lutte, pour défendre leur vie, contre ce dernier, accompagné de plusieurs membres de sa famille, qui voulait les expulser d’un champ qu’ils avaient pris à ferme du sr de Chémerault, et sur lequel ledit Launay prétendait avoir droit.
- B AN JJ. 204, n° 29, fol. 19 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 134-138
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble [p. 135] supplicacion de Pierre Baudin1 et Pierre Fradineau, parroissiens de Lymalonges en la conté de Poictou, contenant que, puis ung an ença ou environ, ledit Pierre Fradineau, l’un desdiz supplians, a prins une pièce de terre à rente à certain devoir annuel du seigneur de Chemeraut2, en laquelle pièce de terre Jehan Laun ayse disoit avoir droit ; au moien de laquelle prinse ledit Launay a conceu une très grant hayne contre lesdiz Fradineau et Baudin, gendre dudit Fradineau suppliant, tellement que par diverses foiz et en plusieurs lieux ledit Launay s’est vanté que s’il trouvoit ledit Baudin en ladicte pièce de terre [p. 136] qu’il le tueroit, et ne morroit d’autres mains que des siennes, et par plusieurs foiz s’est essayé de l’outrager. Et soit ainsi que le quatriesme jour du present moys de desambre derrenierement passé, ledit Pierre Fradineau suppliant estant en ladicte pièce de terre, arrachant des espines pour la convertir en labourage, et estoit avec lui ledit Pierre Baudin, son gendre, aussi suppliant, Laurens Fradineau, filz dudit Pierre Fradineau, lesquelz Baudin, suppliant, et Laurens Fradineau avoient chacun deux beufz et vouloient labourer en icelle pièce de terre, ainsi qu’ilz avoient fait les mardi et mercredi precedens cellui [p. 137] jour ; et après ce qu’ilz [eurent] esté certaine espace de temps oudit champ, seurvindrent ledit Jehan Launay avec lui feu Martin Launay, son neveu, et deux compaignons varletz dudit Launay, et deux femmes, l’une femme dudit Jehan Launay et l’autre femme de Perot Launay, frère dudit Jehan Launay, et aussi y estoit ledit Perot Launay en personne, lesquelz estoient embastonnez, c’est assavoir ledit Jehan Launay d’une fourche ferrée à deux beusailz et ledit feu Martin d’une sarpe enmanchée, appellée en comun langaige volant. Tous lesquelz hommes et femmes venoient de propous deliberé pour courir sus audit Fradineau et Baudin suppliant. Et quand ledit Launay fut près desdiz Fradineau et Baudin supplians, et Laurens Fradineau, il se print à dire tout hault audit feu Martin, son nepveu : « Apporte-moy ce volant », ce que ledit feu Martin fit. Et après que ledit Launay eust ladicte sarpe ou voulant, s’aproucha desdiz Fradineau et Baudin, suppliant, disant audit Baudin : « Va-t’en hors de mon champ » ; et ledit suppliant lui dit : « Jehan Launay, ne me touche point » ; nonobstant lesquelles parolles ledit Launay, meu de mauvais vouloir et voulans icellui mettre à execucion, commança à frapper sur le bressouer dudit Baudin, suppliant et couppa la chaine dudit bressouer et la cheville, disant audit Baudin suppliant : « Je respondré de toy et de ton bressouer », et se combati longuement ledit Launay avec ledit Baudin suppliant, le voulant frapper de sadicte sarpe ou volant. Et ledit Baudin se deffendoit au mieulx qu’il pouvoit d’une sarpe ou voulant pareille à celle dudit Launay, pour obvier à la mauvaise volonté et entreprise d’icellui Launay, dont il se doubtoit pour les parolles et menasses qu’il avoit ouparavant dictes de lui par plusieurs fois et à plusieurs personnes et en divers lieux, c’est assavoir que s’il le trouvoit il le tueroit. Et tant advint que ledit Launay, desirant murtrir et occire ledit Baudin, ramena sur lui le cop de ladicte sarpe dicte [p. 138] voulant, l’en cuidant assigner et frapper sur la teste, maiz ledit Baudin soudainement flechy au cop et tellement qu’il lui tumba sur l’espaule, et soy sentant ledit Baudin frappé, et voyant qu’il ne pouvoit eschapper à la fureur dudit Launay sans mort ou mutillacion de son corps, s’il ne se deffendoit, commença à prendre couraige comme cellui qui est oultraigé et à venir vers ledit Launay. Ce que voyant ledit feu Martin Launay, nepveu dudit Jehan Launay, vint aiant une fourche de fer entre ses mains contre ledit Baudin, suppliant, de laquelle en s’approuchant de lui s’efforça de le frapper de ladicte fourche. Et voyant icellui Baudin le dangier en quoy il estoit des dessusdiz qui s’efforçoient chacun d’eulx de le tuer ou murtrir, tourna son cop sur ledit Martin, lequel, en son corps deffendant il frappa sur la teste de ladicte sarpe ou volant qu’il tenoit, tellement que, au moyen d’icellui cop et par deffault de bon pensement, gouvernement ou autrement, sept ou huit heures après, il alla de vie à trespas. Pour occasion duquel cop, ledit Fradineau est detenu prisonnier et ledit Baudin s’est absenté du pays, auquel ne ailleurs en nostre royaume ilz n’oseroient jamaiz seulement resider ne converser, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce préallablement imparties, humblement requerant, etc. Pour ce est-il que nous, les choses dessusdictes considerées, etc., ausdiz supplians avons quicté, etc. Si donnons mandement, par ces presentes, au seneschal du Poictou et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de décembre, l’an de grace mil cccc. soixante-seize, et de nostre règne le seziesme.
Ainsi signé : Par le Conseil. R. Gontier, scriptor. — Visa.