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Rémission accordée à Nicolas Gendrot, écuyer, qui, se trouvant, avec le ban et arrière-ban de Poitou, logé à Arnay en Bourgogne, [p. 337] avait eu une querelle avec Gilles Le Bâcle, et celui-ci l’ayant attaqué et contraint à se défendre, il l’avait tué d’un coup de javeline.
- B AN JJ. 206, n° 626, fol. 143
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 336-340
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Nicolas Gendrot1, escuier [contenant] que, après le ban et arrière ban crié de par nous en ceste presente année au païs de Poictou, ledit suppliant comme noble dudit païs fut receu par nostre amé et feal conseiller le sire de Bressuyre2, cappitaine desdiz nobles et pour nous, servir et aler en noz guerres, se trouva avec aucuns autres nobles, ou moys d’avril derrenier passé au villaige d’Arnay soubz Vitteaux en Bourgoigne ; entre lesquelz estoit audit villaige ung nommé Gilles Le Bacle3. Et avoient esté ledit suppliant et autres loigiez audit villaige par fourrier, et avoit esté dit et ordonné que nul desditz loigiez ne fourrageroit point le [p. 338] loigiz de l’autre, maiz ce non obstant ledit Gilles Le Bacle par aucun de ses gens fist prendre à l’une des hostesses dudit suppliant neuf poulles, qui estoit tant qu’elle en avoit ; et avec ce fist destrousser le varlet de son hoste et luy oster sa bourse et son argent. Par quoy lesdiz hoste et hostesse vindrent devers ledit suppliant et ceulx de sa chambre et leur requirent que, puis qu’ilz les fournissoient et qu’ilz leur avoyent esté baillez par tele condicion que nul autre ne le deust fourracher ne piller, qu’il leur pleust de leur faire rendre lesdictes polles et argent. Et à ceste cause, ledit suppliant et ses compaignons furent meuz d’envoyer devers ledit Le Bacle, afin de ravoir lesdiz biens. Sur quoy ledit Le Bacle fist response que, mes que ses gens fussent venus de fourraige où ilz estoient alez, que il feroit tout rendre. Par quoy ledit suppliant et ses compaignons furent contens par celle foiz, esperans que ledit Le Bacle feist rendre lesdiz biens ainsi que promis l’avoit ; dont toutesfois il ne fist riens. Et à ceste cause, ladicte hostesse revint devers ledit suppliant et sesdiz compaignons plourant, disant qu’elle ne povoit ravoir sesdictes gellines et que pour Dieu ilz les luy feissent rendre, ainsi que tenus y estoient. Par quoy ledit suppliant fut meu d’aler parler audit Le Bacle et luy remonstrer gracieusement le tort que sesdiz gens faisoient à sesdiz hoste et hostesse ; et luy arrivé devers ledit Le Bacle, pour ce que icelluy Le Bacle disoit, avec aucuns autres, qu’ilz iroient prendre des canetons sauvaiges, ledit suppliant, par manière de joyeuseté, dist telles parolles audit Le Bacle : « Se vous saviez aussi bien prendre les canetons sauvaiges comme les poulles, il n’en demourroit nulz en ce quartier. » Et tout incontinent ces parolles dictes [icellui Le Bacle] et troys ou quatre autres ses aliez, armez [p. 339] et embastonnez vindrent contre ledit suppliant, disant par ledit Le Bacle : « Que voulez-vous dire des polles ? » Et ledit suppliant respondit gracieusement que ce n’estoit pas bien fait de les avoir prinses, veu que la femme à qui elles estoient, luy estoit demourée pour le fournir et pourveoir en partie des vivres de luy et de ses compaignons. Et lors ledit Le Bacle et sesdiz aliez passèrent soubdainement vers ledit suppliant en luy demandant par grant arrogance qu’il vouloit dire des poulles, tenant leurs espées et faisant semblant de les tirer. Et ledit suppliant, voyant leur fureur, se print à reculer en leur disant qu’ilz n’approuchassent point de luy, et que qui le assauldroit, il se défendroit. Ce non obstant ledit Le Bacle et ses aliez le poursuyvirent, regnyant Dieu qu’ilz le tueroient et cryans à haulte voix : « Dessus, dessus ce ribault, tuons le ! » Lors ledit suppliant se print à fouyr et se bouta dans une grenche ; et ainsi qu’il entroit en ladicte grenche, luy fut baillé d’une javeline ung cop d’estoc par le cousté, dont il eust esté tué, n’eust esté qu’il avoit ses brigandines. Et quant il fut en ladicte grenche, fut contrainct a garder l’uysset, afin que ledit Le Bacle ne ses gens n’y entrassent, qui continuellement le agressoient et regnyoient Dieu qu’ilz le tueroient. En quoy faisant, ledit Le Bacle couppa de son espée presque le baston de la javeline dudit suppliant, et par ce moyen ledit Le Bacle cuida entrer en ladicte grenge. Et quant ledit suppliant vist qu’il ne povoit plus fouyr qu’il ne fust meurtry, frapa ledit Le Bacle de sa javeline ung cop au cousté dextre, dont il fut contraint se retirer arrière dudit huisset, tenant tousjours son espée nue, en frapant sur ung nommé Luylier, compaignon dudit suppliant, qui estoit hors de ladicte grenge, tellement qu’il le bleça et mutila très enormement. Et une heure après, par faulte de gouvernement ou autrement, ledit Le Bacle ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas ledit suppliant s’est absenté, requerant, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant [p. 340] avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys d’aoust l’an de grace mil cccc. quatre vings, et de nostre règne le xxme.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Villechartre. — Visa. Contentor. Le Clerc.