[p. 500]

MDCCX

Lettres en faveur de l’abbaye de Charroux portant confirmation du domaine et des droits qu’elle avait acquis de feu Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, comte de la Marche, en la châtellenie de Charroux, estimés à cent livres de rente, annulation du droit du rachat qu’elle avait consenti au profit du sire de Beaujeu, comte de la Marche1, et amortissement de la dite rente.

  • B AN JJ. 207, n° 82, fol. 39 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 500-506
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, comme pour certaines justes et raisonnables causes, et mesmement pour la recongnoissance et compensacion de ce que Nous avons certaine grant partie de fust de la benoiste et digne Croix en laquelle Nostre Saulveur et Redempteur Jhesu Crist souffrit mort et passion, et laquelle feu de bonne memoire monsieur Sainct Charlemaigne, nostre predecesseur roy de France et principal fondateur de l’abbaye et monastere de Charroux ou diocèse de Poictiers, portoit sur luy toutes foiz qu’il alloit en batailles contre les infidelles et ennemis de la saincte foy catholique, et icelle avoit donnée et laissée à ladicte abbaye de Charroux, et laquelle feu nostre très chier seigneur et père que Dieu absoille, pour la grande et singulière devocion qu’il y avoit, print en ladicte abbaye ; et nous pareillement, pour la [p. 501] singulière devocion, affection et esperance que Nous avons en icelle, l’avons et portons continuellement avecques Nous, et pour autres consideracions à ce Nous mouvans, Nous eussions ja preça donné et aumosné à noz chiers et bien amez les religieux, abbé et convent et officiers de ladicte abbaye et monastère la somme de deux mil livres tournois et icelle leur fait bailler et delivrer comptans, pour estre convertie et emploiée en rentes et revenus au prouffit et augmentacion de ladicte abbaye et du divin service fait en icelle. Lesquelz religieux, en ensuivant nostre vouloir et intencion, eussent acquis et achapté de ladicte somme de feu Jacques d’Armeignac, en son vivant duc de Nemoux et conte de la Marche, tout le dommaine et droit de peage qu’il avoit en ladicte ville et chastellenie dudit Charroux et environs, valans par commune extimation cent livres tournois de rente ; en faisant laquelle acquisicion, les diz religieux eussent donné faculté audit Jacques d’Armignac de povoir ravoir et rachapter d’eulx ladicte rente dedans certain temps après ensuivant. Depuis laquelle acquisicion faicte ; tous et chacuns les biens, terres et seigneuries dudit feu Jacques d’Armignac Nous soient advenues et escheues par confiscacion et forfaicture, par quoy la faculté à lui donnée par lesdiz religieux, de povoir rachapter ladicte rente nous en compette et appartient. Et à ceste cause, desirans que les diz religieux joyssent de ladicte rente, Nous fussions desistez et departiz de ladicte grace et faculté de povoir retraire et rachapter ladicte rente, et icelle grace eussions donnée, quictée, transportée et delaissée audiz religieux sans ce que Nous ne nos successeurs, ne semblablement autres ausquelz pourrions faire don de ladicte confiscation dudit d’Armignac puissent jamais retraire ne rachapter ladicte rente et choses par eulx acquises dudit feu Jacques d’Armignac, ne en icelle poursuir ne demander aucune chose. Et icelle rente, ensemble autres anciennes ja acquises et [p. 502] qu’ilz pouvoient acquerir jusques à la somme de quatre cens livres tournois eussions admorties, ainsi comme ces choses sont plus à plain contenues ès lettres patentes2, par nous à ceulx sur ce octroyées, au moien et par vertu desquelles ilz aient depuis joy desdictes choses, et jusques a naguères que, soubz umbre d’aucunes lettres qui leur ont esté presentées de par Nous, èsquelles soit contenu qu’ilz reprinssent leurs deniers dudit acquist, se sont desistez et devstuz desdictes choses par eulz acquises dudit feu Jacques d’Armignac et ont receu au retraict d’icelle nostre très chier et très amé filz le sire de Beaujeu3, auquel Nous avons fait don dudit conté de la Marche, que tenoit icellui feu Jacques d’Armignac, ainsi que avons esté advertiz, qui a esté et est contre nostre vouloir et entencion et à desplaisance. Pour ce est-il que Nous, ce que dit est consideré et que voulons et entendons que lesdiz religieux, abbé, convent et officiers de Charroux joyssent entierement de ladicte rente et choses par eulx acquises dudit feu Jacques d’Armignac, sans ce que jamais eulx ne leurs successeurs les vendent ne mettent hors de leurs mains, en quelque manière que ce soit. Pour ces causes et autres consideracions à ce Nous mouvans, avons declairé et declairons que nostre plaisir et intencion a esté et est que iceulx religieux, abbé, convent et officiers joissent, liévent et possèdent perpetuellement et à tousjours ladicte rente et choses par eulx acquises d’icellui feu Jacques d’Armignac desdiz deniers par Nous à eulx donnez et aulmosnez pour les causes que dessus est dit, tout ainsi et par la forme et manière qu’ilz ont fait par cy devant et qu’ilz faisoient paravant qu’ilz receussent nostredit filz et cousin le sire de Beaujeu au rachapt d’icelles choses ; laquelle [p. 503] recepcion et tout ce qui au moien d’icelle s’est ensuy ne voulons sortir ne avoir aucun effect, mais l’avons mise et mettons du tout au neant par ces presentes, en restituant toutesvoyes par lesdiz religieux à nostre dit filz et à ceulz qui ont le droit et cause de luy en ceste partie la somme de deniers qu’il a baillée ou fait bailler en son nom pour ledit retraict. Et avecques ce, pour plus ample recompense et remuneracion de ladicte benoite et digne croix que Nous avons et portons avecques Nous, comme dit est, et que lesdiz religieux ont liberallement voulu et consenti qu’elle soit et demoure perpetuellement et à tousjours à nous et à nos successeurs, comme unie à nostre couronne, Nous, pour consideracion desdictes choses et aussi que sommes bien recors paravant la confiscacion à Nous advenue et adjugée des biens dudit feu Jacques d’Armignac, avoir fait don ausdiz religieux, abbé, convent et officiers de Charroux de la justice, propriété et seigneurie et juridicion que ledit feu d’Armignac avoit en ladicte ville et chastellenie de Charroux, ou cas toutesvoyes que declairacion de confiscacion y escherroit, et autres grans causes et consideracions à ce nous mouvans, et mesmement pour plus grand acquict et descharge de nostre conscience, et afin aussi que iceulz religieux soient plus enclins à prier Dieu pour Nous, nostre prospérité et lignée, et la bonne paix, union et transquilité de nostre royaume, et que soyons participans ès biensfaiz, prieres et oroisons qui se font et feront dores en avant en ladicte abbaye et monastère, avons ausdiz religieux, abbé, convent et officiers de Charroux, de nouvel donné, cedé, quicté, transporté et delaissé, et par la teneur de cesdictes presentes, de nostre grace especial, propre mouvement et certaine science, plaine puissance et auctorité royal, donnons, cedons, quictons, transportons et delaissons tout tel droit de justice, juridicion, proprieté et seigneurie que ledit feu Jaques d’Armignac avoit audit lieu, terre, seigneurie et chastellenie de Charroux, [p. 504] avec tous les droiz, noms, raisons et actions qui, au moien de ladicte confiscation et forfaicture dudit d’Armignac nous est advenue et escheue et povoit compecter et appartenir esdictes justice, seigneurie et juridicion comme dessus est dit, sans aucune chose en retenir ne reserver à Nous ne aux nostres, fors seullement le ressort et souveraineté, pour d’icellui droit de justice, juridicion et seigneurie, ensemble de ladicte rente et choses acquises par lesdiz religieux, abbé et convent de Charroux d’icellui feu Jaques d’Armignac desdiz deniers par nous à eulx donnez et aulmosnez pour les causes que dessus, à quelque valleur qu’ilz soient et puissent estre et monter, joir et user, et les avoir, tenir, posséder et exploicter par iceulx religieux, abbé, convent et officiers et leurs successeurs en icelle abbaye doresenavant plainement et paisiblement, perpetuellement et à tousjours comme admorties et à Dieu dediées, et lesquelles Nous admortissons et à Dieu, à ladicte eglise et monastère dedions par ces dictes presentes, non obstant quelque don qu’en avions fait à nostredit filz et cousin le sire de Beaujeu ou autres des biens, terres et seigneuries à Nous advenues et escheues par ladicte confiscacion d’icellui feu Jaques d’Armignac, que Nous ne voulons et n’entendons quant à ce avoir lieu ne sortir effect, ains les avons, quant ausdictes choses revocquez et revocquons, sans prejudice d’iceulx toutesvoyses en autres choses, sans ce que iceulx religieux ne leursdiz successeurs soient ne puissent estre contrains, ores ne pour le temps advenir, à vuider ne mettre lesdictes choses hors de leurs mains, soubz umbre de noz ordonnances faictes sur le fait des frans fiefz et nouveaulz acquestz, ne autrement, en quelque manière que ce soit, ne pour ce paier à Nous ne à noz successeurs aucune finance ou indampnité ; et laquelle finance, à quelque valleur qu’elle puisse monter, Nous, pour les causes et consideracions que dessus, leur avons donnée, quictée et aulmosnée, donnons, quictons et aulmosnons [p. 505] par ces presentes, que Nous avons pour ce signées de nostre main. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulz gens de nos comptes et tresoriers à Paris, aux seneschaulx de Poictou, Xantonge, Limosin, gouverneur de la Rochelle, et à tous, etc., que de noz presens, grace, declairacion, volunté, octroy, don, quictance, cession, transport, delaiz, admortissement et de tout le contenu en cesdictes presentes ils facent, seuffrent et laissent lesdiz religieux, abbe, convent et officiers et leursdiz successeurs joir et user plainement, paisiblement et à tousjours, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir, etc., lequel se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, le leur ostent et mettent ou facent oster et mettre incontinant et sans delay au neant et au premier estat et deu, en contraingnant ou faisant contraindre à ce faire et souffrir tous ceulx qui pour ce seront à contraindre par toutes voyes, reaument et de fait, non obstant oppositions ou appellations quelzconques, pour lesquelles ne voulons estre aucunement differé et en ce faisant facent rendre et restituer ausdiz religieux par nostredit filz et cousin ou ceulx qui ont le droit et cause de lui en cestepartie les lettres d’achapt de ladicte rente et pareillement celles dudit transport par eulx fait d’icelle, en leur rebaillant, rendant et restituant par iceulx religieux les deniers pour eulx baillez ; lesquelles lettres de transport Nous avons declairées et declairons nulles et de nul effect et valleur. Et voulons et Nous plaist que nostredit filz et cousin, en ensuivant nostre volunté et declairacion, pour plus grant seureté et approbacion des choses dessus dictes, face et baille ausdiz religieux ses lettres de delaissement, renunciacion et consentement sur ce. Et par rapportant le vidimus de cesdictes presentes fait soubz scel royal et quictance ou recongnoissance souffisant desdiz religieux, abbé, convent et officiers de Charroux, pour une foiz tant seullement Nous voulons cellui de noz receveurs ordinaires ou [p. 506] autres à qui ce pourra toucher estre tenu quicte, paisible et deschargé de la valleur desdictes choses par nosdiz gens des comptes et par tout ailleurs où il appartiendra sans aucun contredit ou difficulté. Car ainsi Nous plaist il et voulons estre fait, non obstant comme dessus que la valleur et estimacion des choses dessusdictes ne soit cy autrement speciffiée ne declairée, que de ce ne soit levée descharge selon l’ordre de noz finances, que l’on vueille dire que d’icelles choses ne puissions ou doyons faire don ou allienacion, mais les retenir et applicquer à nostre dommaine, et quelzconques autres ordonnances, mandemens, restrinctions, deffenses et lettres à ce contraires. Et pour ce que de ces presentes lesdiz religieux pourront avoir à besongner en plusieurs et divers lieux, Nous voulons que au vidimus d’icelles fait soubz scel royal plaine foy soit adjoustée comme à ce present original. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Thouars ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. quatre vings et ung, et de nostre regne le vingt et ungiesme.

Ainsi signé : Loys. — Par le roy, Geuffroy. Visa. Contentor4.


1 Sur Jacques d’Armagnac et la confiscation de ses biens, V. le vol. précédent : Arch. hist. du Poitou, t. XXXVIII, p. 276. C’est en septembre 1477 que le comté de la Marche fut donné à Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu. (De Mandrot, Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, dans la Revue historique, t. XLIV, 1890, p. 308.) [L.C.]

2 Voy. ci-dessus, n° MDLXXXIV, [L.C.]

3 L’acte de retrait du 15 janvier 1482 n.s. est aux Arch. nat., P. 13652, n° 1450. (Lecoy de la Marche, Titres de la Maison ducale de Bourbon, t. II, n° 6.676.) [L.C.]

4 En exécution de ces lettres, Pierre de Bourbon renonça à ses droits par un acte du 11 mars 1482 (n.s.) dont l’original est aux Arch. nat., P. 13762, n° 2.687. (Lecoy de la Marche, Titres de la Maison ducale de Bourbon, t. II, n° 6.780.) [L.C.]