[p. 590]

MDCCXXXVI

Rémission octroyée à Jean Bizet de Moncontour, prisonnier à Poitiers, poursuivi comme complice de Jean d’Oyreveau (Airvault), dans l’assassinat de Macé Sireau, et coupable d’un faux.

  • B AN JJ. 210, n° 61, fol. 35
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 590-594
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Jehan Bizet, povre homme, chargé de femme et enfans, aagé de xxxv. ans ou environ, à present detenu prisonnier en la Conciergerie de nostre palais de Poictiers, contenant que feu Macé Sizeo, en son vivant demourant à Sainct Cler, près Moncontour, et ung nommé Jehan d’Oyrevau, demourant en la ville dudit Moncontour, avoient certain procès ensemble, qui dura longtemps au moien et én hayne duquel procès ledit Jehan d’Oyrevau conceut grant hayne contre ledit feu Sireo (sic), et par plusieurs foiz, en allant et venant, ledit d’Oyrevau parla audit Jehant Biret (sic), sondit feu Sireo, lui disant qu’il vouldroit avoir trouvé moyen de le faire mourir et que si ledit Biret povoit trouver façon de le faire, qu’il le quicteroit de la somme de cent livres tournois, en quoy icelluy Bizet et Eustace Rety lui estoient tenuz pour cause de prest. Et depuis, longtemps après, entre la feste de Pasques et de Penthecouste derrenieres passées, ung nommé Jaques Courtin, prebstre, se tira ung jour entre les autres en la maison dudit Bizet, auquel il demanda où estoit ledit Jehan d’Oyrevau, qui lui respondit qu’il ne savoit. Et adonc s’en allerent ensemble vers la maison dudit d’Oyrevau, et en allant, demanda ledit Courtin audit Bizet conmant il alloit du procès d’entre ledit feu Sireo et d’Oyrevau ; lequel respondit qu’il ne savoit, et ledit Courtin s’en alla parler audit d’Oyrevau. Et tantost après ledit Bizet aussi [p. 591] alla vers lesditz Constin et d’Oyrevau et oyt comme ledit Courtin disoit audit d’Oyrevau que si ledit feu Sireo s’en fust allé le soir devant, qu’il eust esté despesché, et qu’ilz avoient esté trois ou quatre en ung lieu appellé Puyblanc, estant entre ladicte ville de Moncontour et ledit Sainct Cler, pour occir ledit feu Sireo, lequel ilz avoient guecté par trois ou quatre foiz. Et oyt aussi lors comme ledit Courtin disoit audit d’Oyrevau qu’il convenoit envoyer querir ledit feu (sic) Sireo, pour venir passer certaines lettres de donnacion entre lesdiz Courtin et d’Oycevau (sic), et que ledit Bizet passeroit avecques ledit feu Sireo lesdictes lettres. Et après se departit d’illec ledit Bizet. Et le mardi dix septiesme jour de juing, ledit Bizet alla audit lieu de Sainct Cler pour certain procès qu’il y avoit, où il trouva ledit Sireo et lui dist qu’il convenoit qu’il allast le lendemain audit lieu de Moncontour et que ledit d’Oyrevau lui mandoit. Et adonc ledit Sireo estant à table pour soupper, escripvit certaines lettres missoires qu’il bailla audit Bizet pour les bailler audit d’Oirevau, ce qu’il fist. Et après que ledit Bizet eut baillé audit d’Oyrevau lesdictes lettres, icellui d’Oyrevau lui dist qu’il convenoit qu’il allast prandre la ferme de Monjehan appartenant au sr de Boisroques1 (sic) et qu’il fust son plaisir de l’aller cueillir bien matin en sa maison ; Ce que fist icellui Bizet. Et commanda ledit d’Oyrevau à Petit Jehan d’Oyrevau son filz qu’il allast audit lieu de Sainct-Cler et qu’il dist audit Sireo qu’il vint parler à lui, ce que fist ledit filz d’icelui d’Oyrevau. Et ainsi l’avoient entreprins faire lesdiz d’Oyrevau et Bizet. Et puis après s’en alla ledit Bizet en la maison dudit [p. 592] Courtin, assise audit lieu de Moncontour, pour [de] lui savoir s’il voulloit acheter de la toille, de quoy autres foiz ilz avoient parlé ensemble. En laquelle maison estoit lors ledit feu Sireo, lequel ledit Bizet salua en disant Bona dies, et parlèrent ensemble de ladicte toille et puis après ledit Courtin lui dist que ledit feu Sireo éstoit venu illecques pour ce qu’il savoit et qu’il le convenoit despescher. Lequel Bizet ne respondit aucune chose audit Courtin et s’en alla parler à ung nommé Pierre Turpault, pour savoir s’il vouloit aller avecques lui à Lodun, pour porter le rolle de la taille, pour estre signé des esleuz et d’ilec s’en alla à sa maison prandre ce qu’il lui estoit neccessaire pour porter audit lieu de Lodun. Et lui estant près le jardin du chasteau dudit lieu de Moncontour, en attendant ledit d’Oyrevau, qui lui avoit promis d’aller audit Lodun, ledit feu Sireau (sic) arriva illeques, qui demanda audit Bizet où estoit ledit d’Oyrevau, qui lui respondit qu’il estoit en son jardin illec près. Lequel Sireo ne entra oudit jardin, mais s’en alla contre bas la rue, et aussi ledit Bizet s’en alla vers la maison dudit Turbault, pour le soliciter de rechief d’eulz en aller audit lieu de Loudun. Et puis s’en alla à la maison dudit d’Oyrevau par la porte derrière ou illec il trouva ledit d’Oyrevau et feu Sireo qui avoient grant noise ensemble et se reprouchoient l’un l’autre qu’ilz s’estoient deserviz en procès, et que ledit feu Sireo estoit cause de la mort de son beau-père. Et quand ledit d’Oyrevau vit que ledit Bizet fut arrivé, se print audit feu Sireo, ainsi qu’ilz avoient entreprins faire. Et ainsi qu’ilz se combatoient l’un l’autre, ledit Bizet print ung pié de banc qu’il savoit où estoit, dont il frappa ung coup seullement ledit feu Sireo sur la teste, tant qu’il le tumba sur ung coffre, et se escria, en disant : « A, ribault, tu m’as frappé ! » Et incontinant ledit Bizet s’en sortit hors la maison et lessa lesdiz feu Sireo et d’Oyrevau ensemble, et s’en alla chez ung nommé Pierre Turon, avecques ung nommé André [p. 593] Alart, Gregoire Gosse et Pierre Lory, pour desjeuner, et eulx estans illec, survint ledit d’Oyrevau qui se mist de leur escot. Et quant ilz eurent desjeuné, ledit d’Oyrevau s’en alla à Mirebeau et ledit Bizet à Lodun, pour aucunes leurs afaires. Et icellui mesmes jour, ledit d’Oyrevau se rendit audit lieu de Lodun, où illec il trouva ledit Bizet, et eulx estans ensemble, ledit d’Oyrevau dist audit Bizet que ledit Sireo estoit mort. Auquel d’Oyrevau ledit Bizet dist telles parolles ou semblables : « Qui l’a tué ? » Et ledit d’Oyrevau respondit : N’en sçay tu rien ? » — « Non, dist ledit Bizet. » Et lors ledit d’Oyrevau lui dist : « Puisque tu n’en say rien, tu n’en sauras rien ne autre chose pour moy. » Et après ce, ledit suppliant et d’Oyrevau s’en retournèrent audit lieu de Moncontour, et en leur compaignie ung nommé Jehan Robert, et eulx estans ou chemin, entreprindrent de porter ledit feu Sireo en la rivière de la vieille Dyve qui passe audit lieu de Moncontour. Lequel d’Oyrevau, la nuit ensuivant, environ unze heures, se transporta en la maison dudit Bizet, lequel estoit cousché avecques sa femme, pour aller chez lui, et quant il fut en la maison dudit d’Oyrevau, il vit ledit feu Sireo mort, entre deux tables, qui avoit ung sac en la teste, et aussi estoit lié de cordes les piez et les mains. Lequel Bizet n’avoit veu ledit feu Sireo, depuis le jour devant au matin comme dit est, à l’eure qu’il lui bailla ledit coup dudit pié de banc, et ne l’avoit icelluy Biret (sic) lyé desdictes cordes ne aidé à ce faire, mais croit que ce avoit fait ledit d’Oyrevau. Et incontinant prindrent ledit feu Sireou (sic), ainsi lié comme dit est, savoir est ledit d’Oyrevau par la teste et ledit Bizet par les piez, et le portèrent en ladicte rivière de la Vieille Dyve, pour crainte de justice et misdrent sur lui des pierres, des espines et des arsons de bois, afin qu’il ne levast sur l’eaue ; et ce fait, s’en allèrent en la maison dudit Bizet. Et puis après, le derrenier jour de novembre derrenier passé, ledit Bizet se transporta en la [p. 594] ville de Poictiers, en la compaignie d’un nommé Mathurin Bizet, son frère, chez Mathurin Michet, presbstre, et Jacquet Germon, notaires, demeurans audit Poictiers ausquelz il fist signer, à la requeste dudit d’Oyrevau qui estoit absent [une cedule] par laquelle icelluy d’Oyrevau congnoissoit et confessoit avoir eu et receu dudit Jehan Bizet la somme de quatre vings livres tournois, pour l’admortiment de soixante dix solz tournois de rente que lui devoit ledit Bizet ; de la quelle rente ledit d’Oyrevau confessoit par ladicte cedulle l’en tenir quicte. Et en ce faisant, icellui Bizet se nommoit, devant lesdiz notaires, Jehan d’Oyrevau et faisoit nommer ledit Mathurin, son frère, Jean Bizet. A l’occasion desquelz cas ledit Jehan Bizet se mist en franchise ès Carmes de Poictiers2, où depuis il a esté prins et constitué prisonnier esdictes prisons, en grant povreté et misère et en dangier de miserablement y finir ses jours se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de noz grace, quictance, remission et pardon, si comme il dit, humblement requerant iceulx. Pour ce est il que nous, etc., audit suppliant, en l’onneur3, etc., avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessus dit avecques toute peine, etc., en mettant au neant, etc. Et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc. Et imposons, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys du Parc ou mois de mars l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le xxiie.

Ainsi signé : Par le roy tenant ses requestes. Bessonet. Visa-Contentor …


1 Il s’agit évidemment de Bois-Rogue, cne de Rossay, con de Loudun, seigneurie qui appartenait au moyen âge à la famille de Coué (Dict. des familles du Poitou, nouvelle éd., t. II, p. 647). Jean de Coué étant mort sans enfants vers le milieu du xve siècle, nous ne savons comment le Bois-Rogue passa ensuite à la famille Sanglier, à laquelle il appartenait sans doute encore au moment des faits qui sont mentionnés ici. (Cf. Dict. des familles du Poitou, t. I, p. 616.) [L.C.]

2 D’après Jean Bouchet, Annales d’Aquitaine, Poitiers, 1644, in-fol., p. 216 et Thibaudeau, Hist. du Poitou, t. I (1839), p. 404, suivis par Ledain, Hist. de Poitiers, Fontenay, 1889, p. 102, c’est à Jean Chandos, sénéchal du Poitou pour le roi d’Angleterre, que serait due la fondation des Carmes de Poitiers. Thibaudeau la place en 1366. [L.C.]

3 Il s’agit sans doute d’une grâce octroyée le vendredi saint, en l’honneur de la Passion. En 1483, la fête de Pâques se célébra le 30 mars.