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MDCCXLI

Rémission en faveur de Nicolas Poinsset, serviteur de Huchon Yvalles, écuyer, sr de Pautrot, qui surveillant pour son maître la façon d’une coupe de bois, avait été traîtreusement attaqué par Jean Berquellet, sr de Villefolet, et en se défendant avait tué celui-ci et l’un de ses serviteurs.

  • B AN JJ. 209, n° 285, fol. 160
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 610-614
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Nicolas Poinsset, povre compaignon, natif du païs de Champaigne, aagé de vingt et cinq à vingt et six ans ou environ, contenant qu’il peut avoir trois ans ou environ, il fut baillé par son père [p. 611] à service avecques Huchon Yvalles, escuier, seigneur de Pautrot1 en Poictou où il a tousjours demouré, bien vivant et conversant honnestement, et sans estre brigueux ne noiseux, ne commetant cas digne de reprehencion, et jusques ou mois d’avril derrenier passé que ainsi que ledit Huchon, son maistre et lui estoient ou païs de Xantonge, icellui son maistre lui commanda qu’il s’en allast en son hostel de Poitrot (sic) en nostredit païs de Poictou lui faire preparer, amasser et buscher certain bois et icellui fagoter, lequel il devoit faire prandre en une garenne de bois, laquelle appartient pour une tierce partie audit Huchon, à cause de Benoiste de Belleville, damoiselle, sa femme, et le résidu appartient au seigneur de Villefollet, à cause de sa femme, fille de ladicte Benoiste et de feu Bastien Bonnet, en son vivant son mary et seigneur dudit lieu de Villefollet. En obtemperant auquel commandement de sondit maistre, il alla à pié dudit païs de Xantonge ondit païs de Poictou, en l’ostel de sondit maistre ; et quant il y fust, il fist dilligence d’avoir des gens à journée à buscher et fagoter en ladicte garenne, ainsi que sondit maistre lui avoit commandé faire. Et le xxv. ou xxvie jour dudit mois d’avril, ne scet lequel jour des deux, eut ledit suppliant à buscher et fagoter ondit bois jusques au nombre de sept à huit hommes avecques lesquelz y ala, et eulx estans ondit bois et garenne, ainsi qu’ilz besoingnoient, ledit jour, environ l’eure de vespres, arrivèrent à eulx deux hommes eulx disans serviteurs et tenanciers de Jehan Berguellet, [p. 612] seigneur de Villefollet2, l’un nommé Pierre Mesnart et l’autre Guillaume Martin ; lesquelz saluèrent ledit suppliant et icellui suppliant les salua et leur dist et demanda dont ilz venoient, et l’un d’eulx respondit de Saligné, l’autre de Villefollet. Et lors ledit suppliant leur demanda sy ledit Berguellet, seigneur de Villefollet y estoit et ilz firent response qu’ilz ne savoient où il estoit, en demandant audit suppliant et autres qui fagotoient et buscheoient illec s’ilz seroient receuz ledit jour pour journée pour buscher. Lesquelz firent responce que non pas pour ledit jour, mais s’ilz vouloient y estre le lendemain, ilz y seroient receuz. Et sur ces parolles disans, ledit suppliant vit venir par ung cousté de ladicte garenne et bois ledit Jehan Berguellet, qui est homme coustumier de batre, mutiller et mettre à mort, ayant son espée au cousté, en sa compaignie ung sien serviteur, nommé Saudé, qui aussi avoit une espée en la main, et estoient à pié, dont il fut tout esbay, et print ledit suppliant son espée avecques tout le fourreau, qui estoit à terre près lui, laquelle il avoit portée illec pour ce que en passant par Annay il avoit ouy dire que ledit Berguelet3 le menassoit de tuer. Et quant ledit Bequellet (sic) fut en ladicte garenne et bois, dist : « Veez ci bien des bucherons », en les regardant l’un après l’autre et les appellant les ungs par leur nom. Et lors ledit suppliant le salua gracieusement, en aiant tousjours paour et freyeur de lui, pour lesdictes menasses, et aussi qu’il estoit venu ainsi avecques son homme, enbastonnez de leurs espées, en disant audit Berguellet : « J’ai ouy dire, Monsieur de Villefollet, que vous me menassés. » Et ledit Bequelet lui fist responce en parolles gracieuses que non faisoit, et que à lui ne aux autres serviteurs dudit seigneur de Pautrot il [p. 613] ne vouloit point de mal et qu’ilz faisoient bien de servir leur maistre. Et en ce disant s’aproucha dudit suppliant et quant il fut près de lui, il se gecta sur lui et le print par les deux bras et le gecta contre une soche de bois où il le tint à l’envers par aucun temps. Et en le tenant lascha ung desdiz bras dudit suppliant et print sa dague qu’il avoit à son cousté, et en donna tel coup audit suppliant le long des coustez tellement qu’il en persa sa robe et aussi son pourpoint au travers. Et ce voyant ledit suppliant, il trouva moien de tirer une petite dague qu’il avoit acoustumé porter au cousté et en donna audit Berquellet deux coustz (sic) en la poictrine et gorge, et à ce moien ledit Berguellet le lascha, en disant audit Saudé, son serviteur : « Deffens moy et le tue, et aide moy », aussi à Guillaume Martin (sic). Et alors ledit Saudé de son espée qu’il avoit nue ou poing en voulut frapper icellui suppliant sur la teste ; mais de son espée qu’il tira, il receut le coup, et en le recepvant, frappa icellui Saudé serviteur susdit sur ung doy de la main, et aussi lui donna du revers de la main avec ladicte espée au long du coub et de la gorge ; et tantost après il tumba à terre et mourut. Et ce voyant ledit Berquellet cuida venir contre ledit suppliant, son espée en poing, le frapper et tuer. Mais icellui suppliant lui donna de rechief de son espée ung coup sur la joue et ung coup ou deux sur les cuisses et jambes tellement qu’il cheut du tout à renvers et alla de vie à trespas. Et ce fait ledit suppliant print leurs espées, aussi osta audit Berquellet une petite chesne d’or qu’il avoit au coub et le tata s’il avoit point d’argent, mais n’en trouva point, et s’en alla hors ladicte garenne et bois, où il trouva une femme qui tenoit les chevaulx dudit Berquellet et sur le meilleur des deux monta dessus, et soy absenta du païs. Et depuis ce fait restitucion de ladicte chesne et dudit cheval entre les mains de nostre justice de Xantonge. Et doubte icellui suppliant que pour occasion dudit cas l’on vueille proceder [p. 614] contre lui par rigueur de justice, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant, attendu qu’il s’est tousjours bien et honnestement gouverné sans jamais avoir esté actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, et que lesdiz cas sont advenuz en son corps deffendant, il nous plaise lui impartir nosdictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., voulans, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessusdit avecques toute peine, etc., en mettant au neant, etc. Et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc. Et imposons, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. quatre vings et trois, et de nostre resgne le vingt et deuxiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Menon. — Visa. Contentor. F. Texier.


1 Un acte de mars 1461, publié à sa date dans le présent ouvrage (Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 281), se rapporte à des faits qui avaient eu lieu au même endroit de Poutrot, paroisse de Vernou-sur-Boutonne. Un Jean Bonnet, chevalier, y figure. M. Guérin l’a identifié avec Jean Bonnet, seigneur de la Chapelle Saint-Bertrand, qui appartient à une famille dont les continuateurs de Beauchet-Filleau ont donné la généalogie. (Dict. des familles du Poitou, 2e éd., t. I, p. 616.) Cette généalogie ne dit mot de Bastien Bonnet né de Benoîte de Belleville. Cette dernière, qui appartient évidemment à la famille Harpedenne, n’est nommée nulle part dans les notes de M. Guérin rappelées ci-dessus n° (MDCCXXXIV). [L.C.]

2 Villefollet, comme Vernou, est une commune du canton de Brioux. Le Dictionnaire des familles du Poitou ne la mentionne pas parmi les seigneuries des Bonnet, et n’a point d’article au nom de Berquellet. [L.C.]

3 Ou Berquelet.