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MDCLXI

Lettres données en faveur de Jacques Odart, écuyer, chambellan du roi, seigneur de Curçay, de Maulévrier et du Moulin de Celle, portant qu’à l’avenir ces trois seigneuries n’en formeront qu’une, tenue envers le roi, comme relevant de Loudun, à un seul hommage.

  • B AN JJ. 208, n° 67, fol. 37
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 353-359
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amé et feal conseiller et chambellan, Jacques Odart, escuier, seigneur de Cursay, Maulevrier et du Molin de Celle1, contenant [p. 354] que, ou mois d’avril avant Pasques mil cccc. cinquante et six, feu nostre oncle René, en son vivant roy de Secille, duc d’Anjou et seigneur de Lodun, naguères décédé, donna et octroya audit suppliant à temps perpetuel et à tousjours mais par heritaige, à lui, ses hoirs, successeurs et ayans cause la quantité de quarante trois sextiers neuf boisseaux de froment de rente annuelle et perpetuelle, avec le cens usual qui est de deux deniers tournois pour chacun sextier, partie du nombre de soixante dix sextiers, de froment de rente avecques le cens usual à la raison dessus dicte pour chacun sextier, qui estoient deuz par chacun an de rente à feu Charles d’Artois, chevalier, et à Jehanne de Baussay2, sa femme, ainsi que venduz et transportez leur avoient esté par feu Huet de Cursay3, en son vivant seigneur du chastel et chastellenie de Cursay, pour la necessité et indigence que ledit feu Huet de Cursay eut pour la deffense qui lui convenit faire pour tenir la frontière ou païs de Loudunois, ouquel ledit chastel est situé et assis, à l’encontre des Anglois, noz anciens ennemys, qui pour lors tenoient et occupoient [p. 355] noz païs et duchié de Guienne. Et pour ce que ledit Charles d’Artois après ledit acquist fait dudit Huet de Cursay, commist crime de desobeissance envers feu nostre très cher seigneur et père4 que Dieu absoille, par quoy après le trespas dudit feu Charles d’Artois ladicte quantité de quarante trois sextiers et neuf boisseaux de froment de rente et ledit cens usual pour partie dudit nombre de soixante dix sextiers de froment de rente avecques ledit cens usual sont advenuz et ont esté acquis et declarez par justice confisquez et appartenans par droit de confiscacion à feu nostre dit oncle comme seigneur dudit lieu de Lodun. Et à ceste cause, pour ce que ledit feu Huet de Cursay avoit tenu ladicte frontiere contre lesdiz Anglois pour la tuission du royaume et où il avoit fait plusieurs fraiz et despenses et comme bon et loyal subget et vassal de feu nostre dit seigneur et père et de la couronne avoit resisté ausdiz Anglois, feu nostre dit oncle, auquel lesdictes choses furent remonstrées par ledit suppliant, et aussi en contemplacion de feu nostre très chère dame et mère, que Dieu absoille, dont icellui suppliant estoit et a esté serviteur ordinaire et commensal par long temps et l’a servie jusques à son trespas, icellui nostre dit feu oncle lui fist don et octroy desdictes choses, ainsi que ledit suppliant dit à plain apparoir par les lettres de nostre dit oncle données oudit mois d’avril, ou vidimus d’icelles fait soubz les seaulz de ses contratz. Et soit ainsi que par le trespas de nostre dit feu oncle ladicte terre et seigneurie de Lodun nous est naguères advenue et escheue, en laquelle ladicte quantité de quarante trois sextiers de froment neuf boisseaulx de froment de rente et ledit cens usual sont situez et assis, deppendans de ladicte terre et [p. 356] seigneurie de Cursay par quoy nostre dit conseiller et chambellan nous a humblement supplié et requis que pour la seureté de ses hoirs et aians cause nostre plaisir soit confermer et approuver ledit don et octroy et, en tant que mestier est ou pourroit estre, lui en faire nouvel don et octroy, à lui, ses hoirs, successeurs et aians cause ; et avecques ce, pour ce que lesdictes terres et seigneuries de Cursay, de Maulevrier et du Molin de Celle, leurs appartenances et deppendances, sont situées et assises, tenues et mouvans de nostredicte seigneurie de Loudun et que pour chacune d’icelles desdictes terres et seigneuries nous est tenu faire foy et hommaige lige, que nostre plaisir soit joindre et unir ladicte terre de Maulevrier et le Moulin dudit Celle ausdiz chastel et chastellenie de Cursay et que de tout il et ses successeurs ne nous soient tenuz ne à autres noz successeurs en ladicte seigneurie de Loudun, faire que une foy et hommaige lige à muance d’omme seullement, et sur ce lui impartir nostre grace, declaracion, liberalité et voulenté. Pour quoy nous, ces choses considérées, inclinans liberallement à la supplicacion et requeste de nostre dit conseiller et chambellan, à icelui nostre dit conseiller et chambellan, ses hoirs, successeurs et aians cause, tant pour recongnoissance des tres grans, bons, loyaulx, continuelz, agreables et recommandables services qu’il a par longtemps faiz à feu nostredicte dame et mère jusques à sondit trespas, et à nous, et encore fait et continue chacun jour à l’entour de nostre personne et autrement en très grant soing, cure et dilligence et esperons que face ou temps avenir, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons confermé, ratiffié, loué et approuvé, confermons, ratiffions, louons et approuvons de grace especial par ces presentes ledit don et octroy fait audit suppliant par feu nostre dit oncle desdiz quarante trois sextiers neuf boisseaulx de froment de rente avecques ledit cens usual, comme dit est ; et de [p. 357] nostre plus ample grace avons à icellui nostre conseiller et chambellan, suppliant, à sesdiz hoirs, successeurs et aians cause donné, cedé, transporté et delaissé, donnons, cedons, transportons et delaissons à tousjours mais perpetuellement pour heritaige dès à present et pour le temps avenir lesdiz quarante trois sextiers neuf boisseaulx de froment de rente avecques ledit cens usual, comme dessus est dit, pour les avoir, tenir, posséder, esploicter et en joir et user par nostre dit conseiller et chambellan, suppliant, sesditz hoirs, successeurs et aians cause dores en avant perpetuellement à tousjours mais, et autrement en faire et disposer comme de leur propre heritaige, sans aucune chose en reserver ne retenir pour nous ne pour les nostres successeurs, fors seullement les ressorts et souveraineté avecques ung espervier garny de longes et canpannes, que ledit seigneur de Cursay, ses successeurs et aians cause sera ou seront tenuz rendre et payer à nostre renpte de Louddun à muance d’omme seullement. Et de nostre dicte grace, plaine puissance et autorité royal lesdiz trois foiz et hommaiges liges que nostre dit conseiller et chambellan nous est tenu faire, et lesquelles il a faictes en noz mains, à cause de nostredit chastel et chastellenie de Loudun, pour raison de sesdictes terres et seigneuries de Cursay, Maulevrier et du Molin de Celle, leurs appartenances et appendances, avons joinctes, unies, assemblées et ennexées, joignons, unissons, assemblons et annexons par cesdictes presentes à une foy et hommaige lige seullement, pour lesquelles voulons et nous plaist que nostredit conseiller et chambellan, ses hoirs, successeurs et aians cause ne soient tenuz ne contrains à nous en faire ni à noz successeurs, seigneurs de Loudun dores en avant et au temps avenir que ladicte seulle foy et seul hommaige lige à nuance d’omme tant seullement, sans ce que au temps avenir on leur en puisse faire ou demander autre droit ou devoir, fors les ressort, souveraineté, foy et hommaige lige [p. 358] à muance d’omme, comme dessus est dit. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à nos amez et feaulx conseillers les gens de nostre Parlement, de nostre Chambre des comptes à Paris, et tresoriers de France, aux seneschaux d’Anjou et de Lodun et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que ledit Jacques Odart, nostredit conseiller et chambellan, ses hoirs, successeurs et aians cause, ils facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de noz presens grace, confirmacion, ratifficacion, approbacion, don, cession, quictance, unyon et transport, sans en ce leur faire, mettre ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun destourbier ou empeschement au contraire. Et par rapportant ces dictes presentes signées de nostre main ou vidimus d’icelles fait soubz scel royal, avecques cognoissance sur ce suffisant de nostre dit conseiller et chambellan, nous voulons nostre receveur ordinaire de Loudun, present et avenir, et tous autres à qui ce pourra toucher, en estre et demourer quictes et deschargez par nosdiz gens des comptes et partout ailleurs où il appartiendra, sans difficulté, non obstant que la valleur desdictes choses ne soit par cesdictes presentes autrement declairée, que descharge n’en soit levée par le changeur de nostre tresor, present et avenir, et quelzconques ordonnances faictes ou à faire par nous et nosdiz successeurs sur le fait de nostre domaine et de nos finances, mandemens ou deffenses à ce contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autry en toutes. Donné au Plesseys du Parc lez Tours, ou5 mois de septembre l’an de [p. 359] grace mil cccc quatre vings, et de nostre règne le vingtième.

Ainsi signé : Loys. Par le roy, de Marle.


1 Jacques Odart, baron de Curçay, seigneur de Sammarçolle, Messay, Maulévrier, le Moulin de Celles, etc., était fils puîné de Guillaume, seigneur de Verrières, et de Jeanne d’Ausseurre, sa seconde femme. Attaché dès son enfance à Marie d’Anjou, femme de Charles VII, il la servit en qualité de panetier et d’écuyer d’écurie. Après la mort de la reine, sa mère, Louis XI l’attacha à la grande écurie, ainsi qu’on l’apprend de cet extrait d’un registre de comptes de l’année 1464 : « A Jacques Odart, escuier, seigneur de Curçay, escuier d’escuierie du roy nostre sire et naguères escuier d’escuierie de feue la reyne mère du roy laquelle Dieu absoille ; la somme de xli. livres v. solz tournois en trente escuz d’or, dont mémoire est faicte au vie roolle, pour le paiement d’un mulet de poil fauve qui fut à ladicte dame, lequel ledit seigneur a fait prendre et acheter de luy oudit mois de mars, pour ce, por sa quictance escripte le xxe jour dud. mois de mars cccc.lxiii cy rendue. — Mis en l’escuierie du roy pour servir à sa personne, comme il peut apparoir par ledit vie roolle et lad. certiffication. » (Arch. nat., KK 65, fol. 91 v°.) Ses gages, qui étaient de 600 livres, furent portés à 1.000 livres en 1472. Une somme de 600 livres à prendre sur le grenier à sel de Chinon lui fut accordée par mandement de Louis XI aux généraux des finances, l’an 1467. (Bibl. nat., ms. fr. 20496, fol. 77.) Jacques Odart fit hommage au roi pour ses terres relevant de la couronne, le 24 octobre 1476, et le 8 janvier suivant, il acquit de Guillaume de Clermont, seigneur de Chavaignes, la terre et seigneurie de Maulévrier en Loudunais. Le roi lui fit remise des lods et ventes qu’il devait pour cette acquisition et le nomma son conseiller et chambellan par lettres datées de Dijon, août 1479, et grand fauconnier de France à la fin de l’année suivante. Charles VIII le créa grand panetier en 1483 et capitaine de Civray. Il obtint du Parlement, le 2 mai 1485, un arrêt lui permettant d’user de la petite justice sur les boulangers de Paris et de prendre et exercer sur eux les droits dont le grand panetier de France avait coutume de jouir d’ancienneté. (Arch. nat., X1a 1492, fol. 129 v°.) On le trouve qualifié aussi, dans des actes de 1475, 1483, 1484 et 12 mars 1490 n.s., capitaine, gouverneur et bailli de Montargis ; il vivait encore le 22 juin 1491. Jacques Odart avait épousé Charlotte de Preuilly, dont il eut Louis, baron de Curçay ; Marie, femme de Bertrand de Maumont, seigneur de Tonnay-Boutonne, et deux autres files. (Cf. le P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 671, et Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 1re édit., t. II, p. 458.)

2 Jeanne de Bauçay, fille unique et héritière de Hugues VI de Bauçay et de Marie d’Archiale ; mariée : 1° à Geoffroy de Beaumont, seigneur de Lude, décédé sans enfants avant 1355 ; 2° en 1356 à Charles d’Artois, comte de Longueville. Beaucoup de renseignements ont été donnés sur cette dame et son second mari dans les trois premiers volumes de notre collection. (Arch. hist. du Poitou, t. XI, p. 114, note ; t. XIII, p. 327 ; t. XVII, p. 360.) Il est d’autant moins utile d’y revenir ici, que depuis notre confrère M.H. Moranvillé a publié une étude très documentée et complète sur Charles d’Artois. (Bibliothèque de l’École des Chartes, t. LXVIII, année 1907, p. 433 et suiv.)

3 Huet de Cursay, ou mieux de Curçay, dernier représentant mâle de cette famille du Loudunais, fit rebâtir son château dont il rendit hommage au duc d’Anjou, seigneur de Loudun en 1384 et 1387. Nous avons vu que le 16 janvier 1395, il était poursuivi au Parlement par Jean Rabasté, chevalier, seigneur de la Roche-Rabaté, qui l’accusait d’avoir incendié et détruit son manoir du Vivier, sis en la paroisse même de Curçay. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 410, note.) Huet ou Hugues de Curçay eut pour fille et unique héritière Jeanne, mariée à Aymar Odart, chevalier, seigneur de Verrières. (Dict. des familles du Poitou, 2e éd., t. II, p. 777.)

4 Sic. Les mots « feu nostre tres cher seigneur et père » sont encore répétés plus bas, quoiqu’il s’agisse du roi Charles V, bisaïeul de Louis XI.

5 Ces lettres avaient été enregistrées aussi, le 27 novembre 1480, au Parlement de Paris. (Arch. nat., X1a 8607, fol. 250 v°.)