MDLXXXVIII
Fragment de lettres de rémission en faveur de Guillaume de La Barde, écuyer, seigneur de la Croix, où se trouve relaté le commencement d’un conflit entre des gentilshommes poitevins revenant de la frontière d’Espagne et rentrant dans leurs foyers, Guillaume de La Barde et Guillaume de Saint-Martin, d’une part, Mathelin Foucher et Pierre de Rechignevoisin, d’autre.
- B AN JJ. 204, n° 186, fol. 116
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 143-147
Loys, par la grâce de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume de la Barde, escuyer1, seigneur [p. 144] de la Croix, homme d’armes soubz la charge et compaignie de nostre amé et feal conseiller et chambellan le sire de Maigny2, contenant que, le septiesme jour de novembre derrenier passé, il se party de Bayonne par le congé de son cappitaine pour venir en sa maison qui est en Poictou, près de Broce, acompaigné de deux de ses serviteurs, pour ce que long temps il n’y estoit venu. Et avec lui estoit Guillaume de Saint-Martin3, escuyer, acompaigné d’un sien serviteur. Et ainsi qu’ilz s’en venoyent ensemble, trouvèrent sur leur chemin Mathelin Foschier et Peyrot de Rechignevoisin4, en la ville d’Angolesme, accompaignez [p. 145] chacun de leurs serviteurs, lesquelz estoient partiz dudit lieu de Bayonne deux ou trois jours plus tost que ledit suppliant. Et au partement dudit lieu d’Angolesme, chacun print son chemin ; et le lendemain, qui fut jour de mercredi se trouvèrent tous les dessusdiz au disner au lieu de Confollent, où ilz furent logez en une hostellerie, chacun en sa chambre et estable appart. Et parlèrent emsemble lesdiz suppliant et Fouchier. Et au partement dudit Fochier et Rechignevoisin, icellui Fouchier dit et pria ledit suppliant, qui estoit en une fenestre, qu’ilz ne les suyvissent point, et pareillement pria et dit à l’ostesse qu’elle leur dit, quant ilz partiroient dudit logeiz, qu’ilz ne les suyvissent point et qu’ilz ne allassent point leur chemin ; ce que ladicte hostesse feist. Et lors se partirent d’icellui logeiz lesdiz Peyrot de Rechignevoisin et Mathelin Fouchier, tirant leur chemin, et pour ce que ledit Mathelin Fochier avait dit ausdiz suppliant et de Saint-Martin qu’ilz ne les suyvissent, et paraillement ladicte hostesse, se retardèrent de partir de une demye heure ou environ, et après montèrent à cheval pour tirer à leurs maisons, cuidans ne trouver aucun empeschement. Et quant il furent à une demy lieue ou environ dudit Confollent, en chevauchant, veirent devant eulx sur le chemin lesdiz de Rechignevoisin et Fouchier, lesquelz ne alloyent pas fort, et lors commencèrent à dire lesdiz suppliant et de Saint-Martin ensemblement : « Ces gens ne vont pas tost. Nous creons que leurs chevaulx sont laz, on nous attendent pour nous courir sus, veu les parolles que nous ont dit lesdiz Fochier et hostesse au partir. » Et incontinent après dirent ensemble : « Picquons et chevauchons devant, car nous gaignerons [p. 146] le logeiz plus tost que eulx, puisqu’ils ne chevauchent autrement, et après nous mettrons en une hostellerie et eulx en une autre. » Et quant lesdiz suppliant et de Saint-Martin furent près d’eulx d’ung grant giest de pierre ou environ, ledit Mathelin Fouchier qui avoit une fleuste en sa main, feist signe trois ou quatre foiz ausdiz suppliant et de Saint-Martin d’icelle fleuste ; et lors va dire icellui de Saint-Martin audit suppliant que ledit Fouchier leur faisoit signe et qu’il y regardast ; lequel veist qu’il leur faisoit encores signe. Et lors va demander ledit suppliant audit de Saint Martin qu’il estoit de faire ; lequel de Saint-Martin lui dit qu’ilz les laissassent aller et qu’ilz ne feussent point agresseurs, et aussi que ledit de Rechignevoisin avoit prins une javeline et croioit qu’il estoit deliberé de le assaillir et qu’il savoit bien qu’il ne l’aimoit point et de long temps, en lui disant qu’il le prioit de aviser ung autre chemin, pour éviter à la mauvaise volunpté dudit Rechignevoisin et affin que aucun inconveniant n’en advensist, et qu’il se montrast le plus saige, car il voyoit bien et lui sembloit aux signes et parolles que avoit fait ledit Fochier que, s’ilz passoient, qu’il estoit deliberé de le assaillir. Et lors se descendirent audit chemin lesdiz suppliant et de Saint-Martin, faignant de vouloir pisser, pour éviter à l’inconvenient qui en pourroit avenir et au mauvaiz et dampnable propoux dudit de Rechignevoisin, et prindrent un autre chemin et se torfirent de bien deux lieues ou environ, tellement qu’il fut noire nuyt avant qu’ils peussent trouver logeiz, affin de eviter qu’ilz ne se trouvassent là où le dit de Rechignevoisin et Fouchier alloient lougier. Et se logèrent au lieu de Saint-Barbant, et le lendemain au matin se partirent dudit Saint-Barbant et vindrent louger au Dorat à l’hostellerie du Signe, en laquelle ledit Fouchier alla parler ausdiz suppliant et Saint-Martin et leur dit qu’il leur savoit bon gré de ce qu’ilz ne allèrent point hier leur chemin, « car seurement Perrot de Rechignevoisin estoit deliberé [p. 147] de vous assaillir et de vous laisser passer devant, et quant vous eussiez esté passé, il estoit deliberé de vous donner ung cop de javeline en travers du corps ou aillieurs. Et puis s’en feust allé ; car il lui sembloit qu’il avoit meilleur cheval que vous ». Et lors respondit ledit suppliant que il ne lui demandoit rien et que s’il l’assailloit, il estoit deliberé de soy deffendre, puisque ainsi il estoit deliberé ; maiz que au regard de lui, jamaiz ne lui [feroit] desplaisir, ne ne vouldroit, et qu’ilz estoient cousins. Et quant ung5 …