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MDLXXVI

Rémission octroyée à Colas de Maulévrier, écuyer, prévôt de Poitiers, commis à la garde du château d’Aunay, détenu prisonnier à Niort pour plusieurs exactions et abus de pouvoir dont il s’était rendu coupable dans cette charge et dans d’autres.

  • B AN JJ. 201, n° 90, fol. 72 V°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 95-101
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas de Maulevrier1, escuier, contenant que dès le temps de sa jeunesse il s’est entremis, entretenu et employé en nostre service, tant ou fait de noz guerres que autrement, en estat d’omme d’armes, bien et loyaument, sans y faire faulte, et mesmement durant les guerres, divisions et differences qui par ci devant ont esté en nostre royaume ; et à ces causes le retensismes de nostre hostel par bien long temps, ou semblablement il nous a bien et loyaument servy et s’i est entretenu sans y avoir fait ne commis chose digne de reprehencion, et tellement que dès pieça lui donnasmes et octroyasmes la prevosté de [p. 96] Poictiers ; ouquel estat de prevost il s’est bien et honnestement conduit et gouverné sans reprehencion aucune. Et aussi ou vivant de nostre feu frère, le duc de Guienne2, et durant les differences et divisions, fut icellui suppliant commis de par nous à la garde du chasteau d’Aunay, qui estoit et est joignant du costé de Xanctonge et de la frontière d’icellui, où icellui escuier s’est gouverné à nostre prouffit et entencion, sans y avoir fait faulte, au mieulx de son povoir, combien que audit temps il avoit desir d’avoir à mariage une des filles de Pierre [du] Fouilloux3, escuier, seigneur de Cogniou, et pour mieulx y cuider parvenir, pour ce que aucun lui dist que ledit Fouilloux disoit et publioit que les gens, habitans de la viconté d’Aunay, que ledit suppliant avoit fait mettre en habillement de guerre, ne devoient point porter la croix blanche sur leurs hocquetons ou pays de Xanctonge, que icellui suppliant leur avoit ordonné porter, comme ayant le gouvernement dudit chasteau et viconté de par nous. A ceste cause, icellui suppliant, et aussi pour ce qu’on disoit [que] ledit du Fouilloux faisoit et disoit plusieurs autres choses et exploiz en soy monstrant rebelle et desobeissant à nous, et tenant le parti de nostre feu frère, le print et emprisonna oudit chasteau d’Aunay ; et quant il luy tînt, luy mist à sus qu’il estoit Guiennoys et qui luy bailleroit sa fille en mariage ou deux cens escuz pour sa rençon. Lequel de Fouilloux ayma mieulx se mettre à rençon envers ledit suppliant à la somme de deux cens escuz que lui bailler sadite fille. Et toutesfoiz ledit suppliant, en luy montrant qu’il ne vouloit pas prendre de lui à la rigueur ce que lors il eust bien peu, le [p. 97] quicta desdiz deux cens escuz pour cent escuz moyennant et parmy ce qu’il lui fist serement de tenir nostre party et autrement, comme ayant la garde du chasteau et viconté dessusdiz, comme en tel cas appartenoit et est acoustumé. Laquelle somme de cent escuz ledit de Fouilloux a depuis et longtemps après paiée, ou autre, pour et ou nom de lui, audit suppliant. Et depuis icellui de Fouilloux et suppliant, en ont appoincté ensemblement, et luy a satisfait ledit suppliant, tellement que ledit de Fouilloux lui a promis de jamais ne l’en pourchasser. Et avec ce ledit suppliant, durant lesdites differences, cuidant que ung nommé Jehan Maignan, qui estoit escollier estudiant à Poictiers, demourant en ladite (sic) ville de Saint-Jehan d’Angely et tenant le party de nostredit feu frère, pour ce qu’il en estoit yssu, le print et fist prendre et mettre oudit chasteau, où lequel Maignan se mist à rençon envers lui à la somme de cent escuz. Et aucun temps après, ainsi que noz gens alloient au siège à Mathas, qui nous estoit desobéissant, vint audit lieu d’Aunay le sire de Bressuyre4, qui ordonna que ledit Maignan paieroit audit suppliant seullement la somme de vingt flourins de quinze solz tournois la pièce, qu’il eut par la main dudit sire de Bressuyre. Et, en oultre, pour ce que depuis deux ans ença ledit suppliant fut assavanté que ung nommé Phelippes de La Tour5, prebstre, avoit dit et proféré de nous et contre nostre personne aucunes parolles, disant que c’estoit grant follie à nous de faire la guerre en Roussillon et que la conté d’icellui pays de Roussillon n’estoit point en nostre royaume, mais appartenoit aux Juifz, et que c’estoit grant dommaige de faire faire les charrettes que lors on faisoit pour la conduicte des francs archiers, disant que [p. 98] c’estoit la destruction de nostre royaume, ledit suppliant qui, comme dit est, avoit le gouvernement desdiz chastel et viconté d’Aunay, fist prendre au corps ledit Philippes de La Tousche, prebstre, et le mettre, oudit chasteau d’Aunay, et, à ce appellez les juge, procureur et autres officiers de ladite viconté, eut de luy, pour ceste cause, la somme de cincquante escuz. Auquel Philippes de La Tousche, prebstre, depuis ledit suppliant a satisfait tellement que ledit prebstre a promis de jamais ne lui en faire faire aucune action, question ou demande. Et il advint que, en l’an mil iiiic. lxxiiii, ledit suppliant fut commis par les commissaires commis et ordonnez de par nous à faire lever et amasser certaines quantitez de blez ès chastellenies d’Aulnay, Chevoultonne et autres pour l’avitaillement des gens de guerre logez et mis en garnison de par nous en la ville de Bourdeaulx et aillieurs ou pays de Guienne, pour le doubte qui estoit lors de la descente des Angloys, nos antiens ennemis ; en laquelle charge et commission ledit suppliant se gouverna bien et honnestement et fist fournir les quantitez de blez à lui ordonnez faire fournir. A laquelle chose faire, lui a convenu faire plusieurs grans mises et despenses. Ouquel temps et en ce faisant, ledit suppliant receut du curé d’Aunay6 la somme de quatre escuz qu’il employa ès fraiz et despences de sadicte commission, que ledit curé receut du vicaire d’Anges, affin qu’il ne baillast point de blez, et dit on que ledit curé en eut deux pour luy, qui furent six escuz. Et qui plus est, pour ce que ung nommé Morice Guyton, soy disant commissaire à lever et regir les fruiz de ladite terre d’Aunay, à [p. 99] ung certain jour duquel autrement n’est recordz, voult entrer oudit chasteau d’Aunay, ou quel estoit le viconte dudit lieu d’Aunay7, père dudit suppliant, qui estoit et est viel et ancien, et dormoit et se repousoit, ledit suppliant frappa et baty ledit Morice Guyton, pour le garder d’entrer oudit chasteau. Ouquel chasteau, ce fait, ledit suppliant s’en entra et ala en la chambre où dormoit ledit viconte d’Aunay, son père, et quant il vit que sondit père dormoit, il s’en yssit hors dudit chasteau et s’en vint au bourg dudit lieu, devant la maison de Guischart Fromentin, où il trouva ledit Morice Guyton, lequel il print aux cheveux et le baty de rechief, dont ledit Guyton requist acte à ung nommé Beaudieu, comme notaire. Lequel suppliant [p. 100] print ledit acte et le brisa et gecta au feu et mist ledit [Guyton]8 en prison. Et fist aussi dès pieça ledit suppliant convenir et adjourner par devant noz amez et feaulx conseillers les gens tenant les Requestes de nostre Palais à Paris, Jehan Perot, dit Cail, et Huguet Gaultereau, pour cause de certaine quantité de boys que lesdiz Cail et Gaultereau avoient prins en certain boys appartenant audit suppliant, affin d’en avoir restitucion ; lesquelz Cail et Gaultereau deffaillirent au jour à eulx assigné, et après composèrent avec ledit suppliant, tant pour ledit boys que pour les despens des fraiz et mises dudit suppliant à la somme de xii escuz qu’il eut et receut. Et tellement est advenu que, à l’occasion des cas et choses dessusdiz et aussi d’avoir prins par ledit suppliant certaines menues despences pour le vivre de lui et de ses gens, en exerçant sadite commission desdiz blez, ledit suppliant a esté et est constitué et detenu prisonnier en noz prisons de Nyort, ès quelles il est en voye d’y miserablement finer ses jours, se nostre grace ne lui est sur ce impartie. En nous humblement requerant que, attendu que en autres choses il a toujours esté bien famé et renommé, de honneste vie et conversacion, et ne fut jamais actaint et convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, mesmes que touchant nostre service ne affaires principaulx de nostre royaume, jamais ne nous fist faulte, mais tousjours [a] esté bon et loyal envers nous et la couronne de France, il nous plaise sur ce luy impartir nostredite grace. Pour ce est-il que nous, ces choses considérées, voulans grace preferer à rigueur de justice, audit suppliant les faiz et cas dessusdiz avons quicté et pardonné, quictons et pardonnons, de nostre grace especial, pleine puissance et auctorité royal, avec toute peine, offence et amende corporelle, [p. 101] criminelle et civille, en quoy, pour occasion d’iceulx cas, il pourroit estre encouru envers nous, ensemble tous appeaux, bans ou deffaulx, s’aucuns en estoient contre lui ensuiz. Et de nostre plus ample grace, l’avons restitué, etc., satisfacion faicte à partie, etc., et elle y eschiet. Et quant à ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieustenans, presens et advenir, et à chacun d’eulx, etc., que de nostre presente grace, quictance et pardon, ilz facent, etc., joir, etc., sans pour occasion desdiz cas ou des deppendances d’iceulx luy faire mettre ou donner ne souffrir, etc., ains sondit corps, jà prins et arresté en nosdites prisons, comme dit est, et sesdiz biens meubles, immeubles et heritaiges, s’aucunement sont ou estoient à ceste cause prins, etc., les luy mettent ou facent mettre incontinent et sans delay à pleine delivrance et au premier estat et deu. En tesmoing desquelles choses, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Donné à Tours, le xxvie jour d’aoust, l’an de grace mil iiiic lxxvi et de nostre règne le seiziesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Chambon.


1 Nicolas, alias Colas, qualifié bâtard de Maulévrier, panetier du roi, fils naturel comme il est dit ci-dessous dans les présentes lettres de rémission de François de Montbron, vicomte d’Aunay, baron de Maulévrier, avait reçu de Louis XI, par lettres datées de Paris, le 26 février 1472, l’office de prévôt de Poitiers. Ses provisions lui furent renouvelées à Paris, le 26 juin 1473, et furent enregistrées, ainsi que les premières, à la Chambre des comptes, où elles étaient transcrites sur l’ancien mémorial coté O, fol. 66 et 80 v°. (Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 174 et 177.) Il était seigneur de Nogeret et de Champerambault et rendit hommage à Charles II d’Anjou, comte du Maine, de cette dernière terre, mouvant de Civray, le 29 novembre 1476. Dans cet acte, il prend encore le titre de prévôt de Poitiers. (Arch. nat., P 1134, n° 37.) Cependant l’inventaire de l’ancien mémorial P. de la Chambre des comptes porte que la prévôté de cette ville fut baillée, le 29 avril 1476, à Alexis Robertet, secrétaire du roi. (Ms. fr. 21405, p. 196.) On retrouve Colas, bâtard de Maulévrier, sieur de « Chasteau-Rabain », député par Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, sénéchal du Poitou, à recevoir la montre des nobles de l’arrière-ban du ressort de Montmorillon, qui eut lieu en cette ville le 2 décembre 1491. (Roolles des bans et arrière-bans de la province de Poictou, Poitiers, 1667, in-4°, réimpr. de 1883, p. 47.)

2 Charles de France, duc de Guyenne, frère de Louis XI, sur lequel cf. notre volume précédent, 172, note et passim.

3 Le texte porte en cet endroit « Fouilloix. » On ne peut douter cependant qu’il ne s’agisse d’un membre de la famille du Fouilloux, bien qu’il ne figure pas dans la trop courte généalogie qui en a été publiée.

4 Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, lieutenant, général en Poitou, Saintonge et Aunis, dont il est fréquemment question dans notre précédent volume. (Voy. notamment p. 235, note, 816, note.)

5 Sic, ou de La Tousche, comme il est dit quelques lignes plus bas.

6 Louis Poitevin, prêtre, curé de Saint-Pierre d’Aunay, poursuivait au Parlement, avec l’appui du Procureur général, Placide de Montbron, second fils d’Eustache, vicomte d’Aunay, protonotaire du Saint-Siège, pour excès, attentats, rebellions, etc. Le Parlement, par arrêt du 14 août 1495, condamna le protonotaire à 1.000 livres parisis d’amende et autres réparations. (Arch. nat., X2a 56, fol. 341 v°.) Rien n’indique que ce curé d’Aunay fût déjà en fonctions en 1476.

7 François II de Montbron, vicomte d’Aunay, baron de Maulévrier, seigneur de Mortagne et de Matha, etc., fils aîné de François Ier (décédé en 1470, fort âgé), et de Louise de Clermont, fille unique et héritière de Jean de Clermont, vicomte d’Aunay, qu’il avait épousée le 23 mai 1404. Jusqu’à la mort de son père, François II fut connu sous le nom de seigneur de Mortagne et de Matha, titre qui lui est donné dans son contrat de mariage avec Jeanne de Vendôme, fille unique de Pierre de Vendôme, seigneur de Segré et du Lude, veuve avant 1440 de Robert de Fontaines. En 1443, il était chambellan du dauphin Louis. Par le partage des biens de ses père et mère, fait le 28 novembre 1468, les terres d’Aunay, de Montbron, de Maulévrier et de Matha lui demeurèrent : il en fit hommage au roi le 11 octobre 1469 ; le vicomte d’Aunay fit quelques poursuites, mais inutilement, pour retirer la terre du Lude que Pierre de Vendôme avait engagée à Jean de Daillon, et aliéna celle de Montbron, le 16 septembre 1471, à Marguerite de Rohan, comtesse d’Angoulême, ce qui occasionna depuis de grands procès. Il mourut le 31 octobre 1476. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VII, p. 19.)

Les enfants légitimes de François II, vicomte d’Aunay, furent Eustache de Montbron, qui lui succéda, et Jeanne, qui fut mariée trois fois : 1° avec Martin Henriquez de Castille ; 2° avec Louis Chabot, sr de Jarnac ; 3° avec Louis Larchevêque, sr de Soubise. On peut voir dans notre tome X (Arch. hist., t. XXXV, p. 466, note) un exposé des procès que celle-ci et ses deux derniers maris soutinrent, de 1475 à 1482, contre François II, puis contre Eustache, vicomte d’Aunay, au sujet de sa dot assignée en partie sur les revenus de la seigneurie de Matha. On trouve aussi beaucoup d’actes, testaments, titres de propriété, constitutions de rente, touchant ces deux personnages, dans les papiers de l’ancienne Chambre des comptes d’Angoulême, au milieu de pièces de procédure relatives à l’engagement et au retrait de la vicomté d’Aunay, qui était devenue possession de Louise de Savoie, comtesse d’Angoulême. (Arch. nat., P. 14071 et 2, P. 14093.)

8 Le texte porte par erreur « le dit suppliant ». Ces mots doivent être remplacés par Guyton ou Beaudieu.