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MDCXIX

Rémission accordée à Jean Ripault, marchand de Saint-Maxire, détenu prisonnier à Niort et poursuivi pour avoir fait fabriquer un double d’un contrat de vente avec majoration du prix, dans le but d’obtenir de Jean de Limoges, prêtre, dont il avait été l’intermédiaire, une commission plus élevée.

  • B AN JJ. 205, n° 22, fol. 11
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 228-233
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Ripault1, pouvre marchant, demourant à Saint Maxire près de Nyort, chargé de femme et d’enfans, mesmement de troys filles aagées et prestes à marier, nous a esté humblement exposé que, environ le moys de juing derrenier passé eut ung an, Guillaume de Limoges, prebstre, qui avoit grant desir et affection d’avoir et acquerir certains dommaines et heritaiges [p. 229] que Nycolas Pelet, prebstre, demourant ès parties du Languedoc devers Tholouse, avoit au lieu et moulins de Salebeuf près dudit Nyort et ailleurs ou pays de Poictou, saichant que ledit suppliant avoit grant amitié et congnoissance audit Pelet et que souventes foiz il aloit oudit pays de Languedoc vers Thoulouse pour le fait de sa marchandise et autres affaires, pria et requist iceluy suppliant, qu’il voulsist trouver et traicter moien pour luy d’auoir et acquerir dudit Pelet sesdiz dommaines et heritages au meilleur marché qu’il se pourroit avoir et en faire avoir pour lui mesme, qu’il paieroit et contenteroit très bien de ses peines, vacations et despenses, mesmement luy promist deux ou troys escuz pour ce faire. Lequel suppliant print de ce le faiz et charge et pour servir et complaire audit de Limoges, fut par devers ledit Pelet au lieu de Lavaur distant de cinq lieues ou environ de nostre ville et cité de Thoulouse, pour traicter d’avoir et achepter sesdiz dommaines et heritages. Mais de prime face ledit Pelet ne voult entendre, en disant qu’il n’estoit point deliberé de vendre son heritage mais finablement par traict de temps, traictez et remonstrances, ledit Pelet fut content, en faveur d’icellui suppliant et de l’amour et congnoissance qui estoit entre eulx, de luy vendre et transporter et de fait luy vendy et transporta tous et chacuns des heritages qu’il avoit audit pays de Poictou pour le pris et somme de vingt cinq escuz au prix et valeur de xxvii solz vi. deniers tournois pour chacune pièce, et de ce furent faictes et passées lettres et contractz par ung nommé Sabatier, notaire public, moiennant ce que ledit suppliant convenança et promist, hors le contenu audit contrast, de conduire et mener dudit lieu et païs de Poictou par devers ledit Pelet, audit lieu de Lavaur, une sienne nyepce nommée Philippe Dardinelle aux despens d’icelluy suppliant. Et après ce ledit suppliant, considerant qu’il avait eu grant marché desdites choses, qui valoient ou pourroient [p. 230] valoir quarente cinq escuz ou environ, et que en sa faveur ledit de Lavaur Pelet le lui avoit delaissé à mendre pris et que seulement ledit de Lymoges lui avoit promis deux ou troys escuz pour ses peines, despens et labours dessus diz, doubtant qu’il ne luy voulsit autrement satisfaire ou recompenser ou lui bailler la juste valeur desdites choses, considerant aussi iceluy suppliant qu’il estoit et est chargé de mesnage et avoit et a lesdites troys filles prestes et bonnes à marier et qu’il n’avoit et n’a pas bonnement de quoy les marier et appoincter, et qu’il avoit bien et prouffitablement conduit les negoces dudit de Limoges et que, s’il y eust esté en personne, il eust bien autant mis et despencé pour avoir lesdites choses, fist doubler en parchemin par ung jeune clerc dudit lieu de Thoulouse les lettres de ladite acquisicion selon leur forme et teneur, sans y mettre ne addicionner aucune chose fors seulement en lieu desdiz xxv escuz du pris dessus dit fut mise et escripte ladite somme de xlv escuz d’or, et fist signer ladicte coppie en forme d’original du semblable seing manuel dudit Sabatier, en esperance seulement de la monstrer audit de Lymoges, afin d’avoir et recouvrer de luy ladicte somme de xlv escuz d’or, et lui monstra ladite lettre en coppie ainsi faicte et signée par ledit jeune clerc ou non dudit Sabatier, et aussi luy remonstra comment il avoit longuement séjourné et avoit fait de grans fraiz et despens pour ce faire. Dont ledit de Limoges fut content et pour toutes choses chevy et appoincta audit suppliant, pour avoir de lui lesdiz heritages, à la somme de cinquante escuz, et pour ce qu’il n’eut argent content pour iceulx paier audit suppliant, il lui constitua et assigna pour l’arrentement perpetuel d’iceulx cinquante boesseaulx de froment de rente, subgectz à retraict, sur lesquelz il avoit et a eu d’iceluy de Limoges la somme de quarante escuz, dont il lui avoit baillé sa cedulle et recongnoissance pour cause de prest. Et bien ung an après ou environ [p. 231] s’est meu procès et question entre ledit de Limoges d’une part, et ledit suppliant, d’autre, à l’occasion de ladicte acquisicion et de ce que ledit de Limoges vouloit et tendoit avoir la lettre de ladite acquisicion faicte par ledit suppliant dudit Pelet de ses diz dommaines et heritages, pour ledit pris de xlv escuz, dont estoit apparu par ladite coppie de lettre supposée et signée ou nom dudit Sabatier ; laquelle lettre ledit suppliant avoit promis bailler et exiber audit de Limoges toutes foiz et quantes qu’il en seroit requis. Lequel suppliant ne voult bailler ne exiber ladite lettre supposée, faisant mencion de ladite somme de xlv escuz, en manière que icelluy suppliant, ledit de Limoges ne autres s’en puissent aider en jugement ne, soubz couleurs d’icelle, endommager les lignages dudit Pelet, qui vouldraient pretendre en demander lesdites choses par retraict ne autres quelzconques, mais exiba, rendi et bailla audit de Limoges juridiquement la vraye lettre et contract de ladite acquisicion par luy faicte dudit Pelet de ses diz heritages pour ledit pris de xxv. escuz. Et pour ce que ledit de Limoges ne s’en voult contenter, et attendant avoir ladite lettre faisant mencion desdiz xlv escuz, ou luy estre deduyt ou rabatu de ladite rente selon la mendre valeur ou quantité desdites sommes pour ce baillées, s’est assis procès entre lesdites parties et ledit suppliant constitué et arresté prisonnier en noz prisons dudit lieu de Nyort, à la requeste de nostre procureur audit lieu, en lui supposant qu’il avoit monstré et exibé divers contractz et de diverses sommes d’un mesme jour et pour raison d’une mesme chose et qu’il avoit esté commis faulceté ou abuz en la matière. Et sur ce ledit suppliant a esté ouy et interrogué par plusieurs foiz. Lequel suppliant, pour cuider eviter qu’il ne fust reprins par justice d’avoir faict et consenty les choses dessus dictes et que par ce moien sesdites filles fussent retardées en leur bon mariage et avencement, a dit et confessé que veritablement [p. 232] il avoit contracté par deux foiz avec ledit Pelet, c’est assavoir à la première foiz oudit moys de juing derrenierement passé eut ung an, pour ledit pris et somme de xlv. escuz, moiennant ce que ledit Pelet lui avoit donné son gré et loysir de prandre ou laisser lesdiz heritages pour lesdiz pris jusques à certain temps ensuivant, et en avoient esté passées lettres par ung nommé Salvadour, lesquelles il avoit monstrées audit de Lymoges et avoit contracté avec lui par la forme dessus dicte, et certain temps après s’estoit de rechief transporté audit lieu de Lavaur par devers ledit Pelet, auquel il avoit dit et remonstré que sesdiz heritages ne valoient ledit pris et avoit trouvé moien de leur faire rabastre et relascher ledit pris de xlv. escuz à ladite somme de xxv. escuz ; et sur ce auroient esté faictes et passées lettres et contract par ledit Sabatier du jour et date desdites premières lettres passées oudit moys de juing derrenierement passé eut ung an, du consentement de luy et dudit Pelet, et que ainsi avoit esté adresé par ung nommé Guillaume de Lavaulx, qui avoit esté present audit premier contract ; lequel premier contract estoit demouré de par de là, comme de nul effect et depuis ne l’avoit veu. Et combien que ledit contract par ledit suppliant exibé et presenté en jugement, faisant mencion comme il a acquis lesdiz heritaiges dudit Pelet pour ledit pris de xxv. escuz, passé et signé par ledit Sabatier oudit moys de juing derrenier passé eut ung an soit veritable et veritablement passé et expedié sans contenir en soy quelque faulceté ou mauvaistié et que icelluy [suppliant] n’eust fait faire ladite coppie et exemplaire de lettres supposées escripte et signée par la manière dessusdicte, en espérance d’en faire apporter fraude, dommage et interest à personne quelconque ne à autre fin que pour estre paié ou sattisfait dudit de Lymoges de ladite somme de xlv escuz et fraiz dessusdiz pour luy transporter lesdiz heritages, ne cuidant en ce faisant mesprendre ou offendre aucunement, consideré mesmement tant pour [p. 233] la valeur desdiz heritages que pour ses dites peines, vacacions et labours il pensoit et creoit veritablement pour avoir et recouvrer licitement dudit de Lymoges la somme, fraiz et despens dessusdiz, aussi que ledit de Lymoges en avoit esté et est contrainct, et de ce s’estoient et sont convenuz et acordez ensemble, et que contre autres quelzconques ne s’en vouloit ne estoit aidé, fors seulement dudit contract par luy rendu et exibé qui est le vray contract. passé et accordé entre luy et ledit Pelet, et que aucun dommage ne interestz en la façon et exibicion de ladite coppie ou lettre supposée n’a esté, fors seulement audit de Lymoges, lequel il a pour ce sattisfait et contenté et dont il est tenu et tient pour content, toutes foiz il doubte que, pour occasion des choses dessusdictes ou qui en despend, nostredit procureur audit lieu de Nyort vueille prandre aucunes grans conclusions à l’encontre de lui et que, sans avoir regard à ce que dit est mesmement à son estat, simplesse et ignorence et à ce qui l’a meu aux choses dessusdites et au grant retardement d’avancement et mariage de sesdites filles et autres inconveniens qui leur pourroient avenir, s’il estoit pour ce pugny, mis ou multé en amende selon la rigueur des droiz, on vueille rigoureusement procéder à l’encontre de luy, si comme il dit, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que en toutes autres choses il a tousjours esté bien famé et renommé, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au seneschal de Poictou ou à son lieutenant audit Nyort et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieutenans, etc. Donné à (blanc) ou moys (blanc), l’an de grace mil cccc. soixante dix huit et de nostre règne le dix huitiesme2.


1 Cf. trois actes signalés par M.A. Richard, le premier du 14 avril 1458 relatif à Jean Ripault, fils de Jean, dit de la Passelière, les deux autres du 18 mai 1504 et du 22 août 1507, se rapportant à Jean Ripault le jeune. (Archives du château de la Barre, t. II, p. 116, 281, 335.)

2 L’acte qui précède immédiatement sur le registre du Trésor des chartes est de septembre et le suivant d’octobre 1478.