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MDCLIII

Rémission accordée à Pierre Dupuy, laboureur, meurtrier de Pierre Du Solier. Celui-ci et ses frères ayant abattu la clôture d’un héritage appartenant audit Dupuy et à ses frères et cousins, il en résulta entre les deux familles une violente querelle qui dégénéra en mêlée générale, dans laquelle Pierre Du Solier fut mortellement frappé.

  • B AN JJ. 206, n° 463, fol. 107
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 332-335
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Dupuy, laboureur, aagé de xxxv. ans ou environ, chargé de femme et enfans, contenant que luy et ses coheritiers à cause de certain heritaige à eulx appartenant ont autres fois tractié et appoincté à Jehan dit Johannet, Marcial, Jehan dit Gaillard, feu Pierre et l’autre Pierre [p. 333] dit Garrige du Solier, frères, de faire certaine cloison, oultre laquelle iceulx du Solier ne seroient tenus de passer pour venir audit heritaige audit suppliant appartenant et à ses consors, sans leur congié et licence. Mais ce non obstant iceulx du Solier, de leur auctorité privée et en venant contre ledit appoinctement, ont fait plusieurs entreprinses sur ledit heritaige en rompant ladicte cloison et couppant certain chesne, audit suppliant et à ses consors appartenans, et à l’occasion de ce sont meues certaines noises et debatz entre lesdictes parties, et tellement que, ainsi que Jehan, Marcial et Leonard Dupuy, enfans de Symon Dupuy, consors dudit suppliant, charioient atout leurs beufz et charrète certaines pièces qu’ilz avoient prinses de leurdit heritaige, survint à eulx ledit Marcial du Solier atout une sarpe emmanchée, et print noise et question à eulx et leur dist entre autres choses qu’ilz seroient galez, et tout courant retourna vers sa maison querir sesdiz freres. Et ce voyant, lesdiz Jehan, Marcial et Leonard Dupuy, craignans la fureur desdiz du Solier, lesquelz ou les aucuns d’eulx avoient jà autresfoiz batu ledit Marcial Dupuy et aussi ledit suppliant en plusieurs parties de son corps, deslyèrent leurs beufz et les mirent en leurdit heritaige ainsi cloz. Et cependant ledit Jehan Dupuy ala [à la] maison le dire oudit Symon Dupuy, son père, et à ses autres frères. Et lors icelluy Symon avec ledit Jehan son fils s’en alèrent vers ledit cloz où ilz trouvèrent lesditz du Soulier qui jà avoient rompu et abatu ledit cloz ; ausquelz ledit Symon Dupuy dist gracieusement qu’ilz faisoient mal de luy abatre ledit cloz, mais lesditz du Solier respondirent qu’ilz le romproient, voulsist il ou non, et en despit de son visaige. Et lors survint Thomas Dupuy, frere dudit Symon, qui dist ausdiz du Soulier que c’estoit mal fait et qu’ilz leur faisoient grant tort et qu’ilz se deportassent et s’en alassent ; mais ledit Jehan du Solier, respondit qu’il ne s’en iroit pas pour [p. 334] luy, et en ce disant, ledit Pierre du Solier d’une coignée s’efforça de fraper ledit Jean, filz dudit Symon Dupuy, mais Agnès du Solier, sa sœur, et Marguerite, femme dudit Marcial du Solier l’en gardèrent. Auquel bruit survint ledit Pierre Dupuy, suppliant, filz de Michau Dupuy, lequel leur dist telles parolles : « Hé ! chenaille, nous voulez vous tuer ? » Lors lesdiz du Solier dirent à une voix telles parolles : « A cestuy, à cestuy ! » et en ce disant, le voulurent charger et batre. Lequel suppliant ce voyant, en soy defendent frapa ung cop d’une furche qu’il avoit en sa main sur la teste de Jehan dit Gaillard du Soulier, et aussi ledit Jehan, filz dudit Symon Dupuy, pour descharger ledit suppliant, gecta une pierre contre ledit Garrige du Solier, mais ne l’en frappa point. Et en ce faisant, soubdainement lesdiz du Solier se gecterent sur lesdiz Dupuy et se meslèrent les ungs entre les autres tellement que, ainsi que ledit Pierre du Solier vouloit fraper ledit Marcial Dupuy d’une coignée sur la teste, ledit Marcial mist un baston de couldre qu’il tenoit au devant et destourna ledit cop. Lequel Pierre du Solier print ledit Marcial Dupuy et à grans cops de poing se print à le fraper sur la teste, en s’efforçant le gecter à terre. Et lors ledit Lyenard Dupuy, pour descharger ledit Marcial, son cousin, frapa d’une barre ledit Pierre du Solier ung cop sur les reins, et par ce moyen ledit Pierre du Solier lascha ledit Marcial et cheut à terre ; et ainsi qu’il se relevoit, ledit Jehan Dupuy, filz dudit Symon, donna deux cops audit Pierre du Solier d’un baston de couldre, ung sur le bras et l’autre sur la cuisse, et en ce conflict ledit Pierre Dupuy, suppliant, ainsi que ledit Pierre du Solier se relevoit et comme il estoit assis, luy donna deux cops d’une fourche de boys sur la teste dont il recheut d’assis à terre couché. Au moyen desquelz cops ledit Pierre, par faulte de gouvernement ou aultrement, le lendemain, ala de vie à trespas. A l’occasion duquel cas ledit suppliant s’est absenté, requerant, [p. 335] etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de may, l’an de grace mil cccc. quatre vings, et de notre règne le xixme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Le Clerc.