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MDCLXXII

Rémission octroyée à Richard Roland, jeune ouvrier serrurier de la Roche-sur-Yon, qui, voulant s’établir à son compte et ayant réclamé ses outils à son ancien patron, Jean Papin, fut obligé de se défendre contre lui, parce qu’au refus qu’il lui opposa il joignit des voies de fait, et dans la lutte il le tua d’un coup de dague.

  • B AN JJ. 207, n° 3, fol. 100
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 395-397
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Richard Rolant, jeune enfant de l’aage de xx ans ou environ, du mestier de serrurerie, detenu prisonnier ès prisons de la Roche sur Yon1 en nostre bas pays de Poictou, contenant que dès environ la feste de sainct Michel derrenierement passée, [p. 396] ledit suppliant pour besoingner on fait de sondit mestier, s’aloua à ung nommé Jehan Papin, dit Janicot, serrurier demourant audit lieu de la Roche sur Yon, lequel, pour ce qu’il sceut que icellui supliant estoit et est très bon ouvrier dudit mestier, lui pria qu’il demourast avecques lui, pour lui aider à faire de l’ouvraige. Ce que ledit suppliant fist liberallement et demoura avecques icellui Papin, comme son serviteur, jusques environ le xiie jour de ce present mois de janvier, que icellui suppliant se delibera de besoingner à part lui de sondit mestier, en entencion de demourer, en priant ledit Papin qu’il lui donnast congé et le paiast de ce qu’il lui devoit. Et s’asemblèrent en la maison de Colas Blasme, hostellier demourant audit lieu de la Roche, où ilz comptèrent ensemble. Et après ce que ledit Papin eut paié icellui suppliant de ce qu’il lui devoit, s’entre quictèrent l’un l’autre en presence de plusieurs gens de bien, beurent et mengèrent ensemble et se departirent l’un de l’autre gracieusement. Et ledit jour, environ l’eure de vespres, ledit suppliant se transporta devers icellui Papin, le priant qu’il lui rendist demie douzaine de petites limes et autres besoingnes qu’il avoit aportées en sa maison, en quoy ledit Papin, qui jà estoit envieuz dudit suppliant et de quoy il avoit delibéré besoingner à part de sondit mestier, respondit en jurant et blasphemant le sang et la mort de Nostre Seigneur, que ledit suppliant n’auroit point sesdictes limes et qu’il s’estoit assez servy de celles dudit Papin. Et lors ledit suppliant lui remonstra gracieusement qu’il faisoit mal de lui retenir sesdictes limes et que sans icelles il ne se pourroit entretenir ne gangner sa vie, et qu’il auroit sesdictes limes par justice, quelque vouloir qu’il en eust. Et lors icellui Papin, tout mal meu, sans ce que icellui suppliant lui meffeist, print une pelle de laquelle il bailla ung coup sur la teste dudit suppliant. Lequel suppliant dist qu’il ne le frapast point et qu’il n’estoit plus son serviteur ; [p. 397] mais ce non obstant ledit Papin bailla de rechief ung coup de ladicte pelle sur la teste dudit suppliant, tellement que pour lesdiz deux cops il eut la teste enflée en deux lieux ; mais encores ledit Papin non obstant lesdictz (sic), voulut frapper de ladicte pelle sur la teste dudit suppliant. Lequel suppliant, ce voiant, tira une petite dague qu’il avoit tousjours acoustumé de porter, laquelle il couscha sur son braz et en rabati le coup par manière que la poignée de sadicte dague fut presque rompue et lui fist grant douleur ou bras. Et soy voiant ainsi oultraigé, tout mal meu et en chaude colle, donna de sadicte dague une taille sur la teste dudit Papin qui incontinant print ledit suppliant aux cheveulx et au collet, et lui print le bras dont il tenoit ladicte dague, laquelle il lui voulu oster et s’efforça de rompre le braz dudit suppliant, qui questoit de lui oster sadicte dague, et ainsi qu’ilz s’entretenoient l’un l’autre, ledit suppliant donna de ladicte dague ung estoc en la mamelle dudit Papin. Et lors se departirent, et ainsi que icellui Papin voulu courir après ledit suppliant qui jà s’en fuyoit, chey à terre tout mort. A l’occasion de quoy ledit suppliant doubtant rigueur de justice, se mist en franchise et depuis a esté constitué prisonnier ès prisons dudit lieu de la Roche sur Yon, et où il est de present detenu en grant povreté et misère et en dangier de miserablement finir ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant icelles, etc. Pour quoy nous, etc., voulans, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessus ditz avecques toute peine, etc., et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc. Et sur ce imposons, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, à son siège de Poictiers et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Nyort, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quatre vings, et de nostre règne le vingtiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Texier. — Visa. Contentor. Texier.


1 Le texte du registre porte par erreur « la Rocheguion ».