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MDLXIV

Rémission octroyée à Colas Lebloy, homme de labour, demeurant au village de Martinet en la seigneurie de Saint-Mesmin, détenu prisonnier pour le meurtre de Jean Bachelot, avec lequel il s’était pris de querelle et battu.

  • B AN JJ. 204, n° 67, fol. 43 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 53-57
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas Lebloy, povre homme de labour demourant ou village de Martinet en la seigneurie de Saint-Mesmin, à present de tenu prisonnier audit Saint-Mesmin en Poictou, chargé de femme grosse et de dix petis enfans, contenant que ledit village de Martinet est tenu et chargé envers le seigneur dudit Saint-Mesmin de plusieurs biains1 de beulz, mesmement à aller querir on pays de Thouarçoys les vins dudit seigneur de Saint-Mesmin2 par [p. 54] chacun an, à sa semonce, et les amener audit lieu de Saint-Mesmin. Et à ceste cause, on moys de novembre derrenier passé, iceluy suppliant et plusieurs autres biannaux dudit seigneur de Saint-Mesmin furent semons par Françoys Ferrand, sergent dudit lieu de Saint-Mesmin pour aller querir des vins oudit pays de Thouarçoys et les amener audit lieu de Saint-Mesmin. Et pour ce faire, iceluy suppliant, [p. 55] Jehan Joyron, Colas Maroleau, Jehan Symonneau et autres biannaux dudit seigneur de Saint-Mesmin jusques au nombre de six et en leur compaignée ledit Ferrand, sergent susdit, se assemblerent au pont de la Branle estant sur la rivière de la Seyvre, près la chappelle de Nostre-Dame de Beauchesne, avecques deux charretes atellées chacune de huit beufz, et s’en allèrent au giste au lieu de Mouster, près Argenton le Chastel, le lundi xiiie jour de novembre derrenier passé, et le mardi lendemain ensuivant xiiiie jour dudit moys iceluy suppliant et autres dessus nommez se departirent dudit lieu de Mouster ainsi que la lune levoit, qui estoit deux ou troys heures avant jour, pour aller au lieu de Sainte-Verge charger le vin dudit seigneur de Saint-Mesmin. Lesquelz suppliant et autres dessusdiz arriverent environ l’aube du jour en ung village estant près le bourg de Ligron, duquel village iceluy suppliant ne savoit le nom, fors que depuis il a oy dire que c’estoit le village de la Thibaudière, près duquel village ilz trouvèrent une haye faicte de fagotz d’espines sèches, dont ledit Jehan Joyron, l’un desdiz biennaux prinst ung fagot et le mist en la charrète dudit suppliant à son desceu pour chaufer luy et les autres biennaux qui avoient très grant froit, avant que charger ledit vin audit lieu de Sainte Verge. Auquel lieu les dessus-diz biennaux ne peurent recouvrer feu et ainsi ne peurent faire bruler ledit boys ne se chauffer, mais chargerent ledit vin au mieulx qu’ilz peurent et remistrent lesdiz suppliant et Joyron ledit fagot des espines en leur charrete, esperans eulx en chauffer à leur prouchaine repue qu’ilz feroient à leur retour. Et eulx ainsi chargez dudin vin, en s’en retournant passèrent par ledit village de la Thibaudière, environ deux ou troys heures après mydi ; ouquel vindrent sur eulx deux hommes, desquelz ledit suppliant ne savoit les noms, fors que depuis il a oy dire que l’un d’eulx avoit nom Jehan Bachelot, qui estoit illecques [p. 56] près ès champs dudit village où il chaumoit et avoit ung gros baston forchu de plain poing et long d’une brasse et plus, vulgaument appelle paufour ou fourche en sa main, et l’autre desdiz deux hommes avoit ung grant faucillon en sa main, duquel on a acoustumé chaumer ; avecques lequel paufour ou fourche ledit Bachelot vouloit oster ledit fagot d’espines de ladite charrete dudit suppliant. Ce que ledit suppliant empescha doulcement avecques son petit aguillon dont il gouvernoit sesdiz beufz et charroy, et sans faire aucun mal audit Bachelot. Mais ledit Bachelot, non contant de ce, frappa ledit suppliant dudit paufour sur les braz ; lequel suppliant en voulant resister avecques sondit aguillon audit cop que luy avoit donné ledit Bachelot, frappa ledit Bachelot de sondit aguillon tellement qu’il cheut à terre, et incontinant se releva et alla de rechief chaumer ou champ où il chaumoit paravant, ouquel il chauma et fist ung fès de chaume qu’il emporta sur son coul avecques ledit paufour à sa maison. Et ledit suppliant et autres dessus nommez sesdiz compaignons s’en alloient avecques leurdit charroy vers ledit lieu de Mouster où ilz couchèrent pour celle nuyt. Et le landemain au matin, sourvint sur ledit suppliant et sesdiz compaignons ung nommé Pierre Belot, soy disant sergent d’Argenton ; lequel acompaigné jusques au nombre de dix hommes embastonnez de gros bastons print au corps ledit suppliant et lesdiz Joyron, Maroleau et Symonneau, biennaux susdiz, supposant ledit sergent et autres qui estoient avecques luy que ledit Bachelot estoit allé de vie à trespas au moien dudit cop que luy avoit donné ledit suppliant, qui n’est pas vraysemblable, veu que depuis il avoit fait euvre de homme sain et que ledit suppliant n’avoit eu entencion ne courage de lui faire mal, au moins dont il peust ne deust moins valoir. Et avecques ce prinstrent et arrestèrent lesdiz beufz et charretes et vin estans en icelles, et les [p. 57] mistrent en garde soubz la main de ladicte court d’Argenton on village de Migaudon estans près ledit lieu de Mouster en ladicte seigneurie d’Argenton. Et lesquelz suppliant, Joyron, Maroleau et Symonneau, et mesmement ledit suppliant menèrent ès prisons dudit lieu d’Argenton, où ilz furent detenuz par aucun temps, et depuis ont esté renduz audit seigneur de Saint-Mesmin, comme leur seigneur naturel, es prisons duquel ledit suppliant est encore detenu prisonnier en grant misère et povreté et en danger de miserablement finir ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. En nous humblement requerant, etc. Au seneschal de Poictou, etc. Donné à Tours, ou moys de janvier, l’an de grace mil cccc. soixante quinze, et de nostre règne le quinziesme.

Ainsi signé : Par le conseil. Texier. — Visa. Contentor.


1 Biain, bian, bean, biein, etc. : corvée due particulièrement pour la récolte des fruits de la terre. « Quant aucun fons est tenu rousturierement d’aucun seigneur de fief à cens, rentes, biayns ou autres devors, et ilz sont plusieurs teneurs, le seigneur peut demander son devoir, et conmander lesditz biayns à chascun des teneurs pour le tout, car chascune partie du fief est chargée du tout » (Coustumier du Poitou, 1499, ch. : 68, 72.) Ce mot est aussi employé, en Poitou, dans le sens de : jour de marché.

2 Guy de Montfaucon, chevalier, était alors seigneur de Saint-Mesmin, relevant de la baronnie de Parthenay à cause de Secondigny. Un siècle auparavant, son aïeul, Pierre de Montfaucon, avait eu des démêlés avec son suzerain, Guillaume Larchevêque, sr de Parthenay, qui lui contestait ses droits de justice, avait fait démolir les fortifications du château de Saint-Mesmin, y avait établi un sergent, etc. Il a été question du procès qui résulta de ces actes de violence, de 1377 à 1380, dans l’un de nos précédents volumes. (Arch. hist., t. XXI, p. 11, note). Pierre mourut le dimanche avant la Saint-Denis 1391. (Arch. nat., R. 1* 199, fol. 9.) Son fils Jean de Montfaucon, marié à Jeanne de Beaussais, possédait du chef de sa femme les fiefs et hébergements de la Gralière, mouvant de Lusignan, du Champ-Saint-Paul, relevant de Saint-Maixent, de la Touche de Villiers, sis en la châtellenie de Melle, une maison dans cette ville, une partie de l’hébergement de Baussais, dans la mouvance de la même châtellenie, dont il rendit hommage et fit plusieurs aveux aux comtes de Poitou, en 1402, 1404, 1407, 1418 et 1420. (Arch. nat., R1* 2171, p. 306 ; R1* 2173, p. 1704, 1706 ; R1* 190, fol. 119 et 276 ; P 1144, fol. 22 v°, 33, 53 v°, 54 ; P 1145, fol. 46, 67 v°, 113.) Sa fille Marguerite avait épousé, avant 1420, Jean de Rochechouart. Jean de Montfaucon, chevalier, seigneur de Saint-Mesmin, d’Aubigny, de la Lionnière et de la Fosse, cette dernière relevant de Vouvant, se maria en secondes noces à Marie de Beaumont, fille de Guy, sire de Bressuire, et mourut le 29 novembre 1453. Son fils aîné, Guy de Montfaucon, bailla alors au sire de Parthenay, de Vouvant et de Mervent (à cette époque le connétable de Richemont), l’état des revenus de la terre de la Fosse (cne de Mouilleron, con de la Châtaigneraye) pour en payer le droit de rachat. (R1 203, carton). Le procès-verbal de visite faite en 1460 par Guillaume Ripaut, clerc des comptes des baronnies de Secondigny, Béceleuf, le Coudray-Salbart et de leurs dépendances, estime à 360 livres le revenu annuel de Saint-Mesmin, alors que, l’an 1452, Jean de Boismoreau, curé de la Forêt-sur-Sèvre, témoin produit par Jean de Montfaucon, dans une enquête, l’évaluait à 1.700 ou 1.800 livres de rente. (Arch. des Deux-Sèvres, chartrier de Saint-Loup, E 1225), et il fournit un état complet des arrière-fiefs relevant de cette seigneurie et de celle de la Lionnière, et de leurs possesseurs qui en devaient faire aveu à Guy de Montfaucon, (R1* 207, non folioté.) Celui-ci avait épousé Anne, fille de Jean Sauvestre, et, en 1459, il contestait, ainsi que sa femme, à Joachim Rouault, sr de Boisménart, la possession de la terre de la Chaize-le-Vicomte, que lui avait vendue Louis d’Amboise, vicomte de Thouars (coll. dom Fonteneau, t. XXVI, p. 423). Il vivait encore le 1er octobre 1484, date d’un aveu à lui rendu, en qualité de seigneur d’Aubigny, par Jean de Ferrières, sr de Champigny-le-Sec, de son fief de Fondechien. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. I, p. 78.) Son décès arriva entre le 1er octobre 1484 et le 8 août 1485. Un arrêt du Parlement de ce jour renvoie devant le sénéchal de Poitou un procès d’Anne Sauvestre, veuve de Guy de Montfaucon, chevalier, contre les religieux de Saint-Laon de Thouars (X1a 4826, fol. 287 v°.)