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MDCXLVII

Rémission octroyée à Perrin Sceteau, Claude Genicot et Mathurin Bobinet, de Nouaillé, qui, revenant un soir des bois, rencontrèrent deux inconnus dont l’un portait une arbalète bandée ; les prenant pour des guetteurs des chemins et se croyant menacés, ils se jetèrent sur le porteur d’arbalète, la lui enlevèrent et le frappèrent d’un coup de bâton dont il mourut trente-quatre jours après.

  • B AN JJ. 205, n° 391, fol. 220 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 310-312
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Perrin Sceteau, Glaude Genicot et Mathurin Bobinet, povres gens de braz demourans en la parroisse de Noailhé près Poictiers, contenant que le derrenier jour de novembre derrenier passé lesdiz supplians, acompaignez de Laurens Bocardeau, Huguet Piet et Jehan Girault, en eulx retournant du boys et forest que l’on appelle le boys du Cheners estant entre Mortemer et Lussac, pour aller en leurs maisons, passèrent par ung villaige appellé Deux Molinez en la parroisse de Loumaisé en Poictou, et comme ilz estoient entre ledit village et la parroisse de Disné à l’entrée des boys, à soleil couchant, trouverent deux hommes, c’est assavoir feu Jehan Chartier aussi homme de braz, lequel tenoit une arbaleste bandée et du traict ferré dessus, et un autre dont ilz ne surent le nom. Auquel feu Charretier ledit Guillaume1 demanda : « Qui estes-vous ? » Et lors ledit feu Jehan qui portoit ladicte arbaleste bandée luy respondit bien rigoreusement : « Qu’en avez-vous à faire ? » et en jurant le sang Dieu, luy dist telles parolles : « Si vous approuchez de moy, je vous tueray. » Oyans lesquelles parolles, lesdiz supplians furent fort espoventez et esmeuz, cuidans que ce feussent [p. 311] guecteurs de chemins qui leur voulsissent faire desplaisir, attendu le parler dudit feu Jehan, l’eure et le lieu, qui estoient fort suspectz. Et pour ce que ledit Glaude apperceut que ledit feu Charretier destournoit sadicte arbaleste, icelluy Glaude s’approucha de luy, et doubtant qu’il le voulsist frapper d’icelle pour le tuer, le saisist au corps, le mist à terre et luy debanda sadite arbaleste. Et tantost qu’elle fut debandée, ledit Mathurin Bobinet s’aproucha d’eulx, et eulx deulx ensemblerment luy ostèrent ladite arbaleste, sans luy vouloir faire aucun desplaisir. En faisant lesquelles choses, ledit Perrin Sceteau, qui près d’ilec estoit, survint, qui d’un baton ferré qu’il avait, voyant les dessusdiz meslez ensemble et cuidant que ledit Charretier oultrageast lesdiz Genicot et Bobinet, et pour les cuider deffendre et empescher que ledit Charretier ne leur fist mal, donna audit feu Charretier ung coup dudit baston sur la teste seulement, et après fist tant qu’il les departit. Et sans luy faire autre chose, se departirent les ungs des autres et s’en alèrent chacun leur chemin, et ne cuidoit point ledit Perrin Sceteau avoir blecié ledit feu Chartier. Au moien duquel coup lesdiz supplians ont esté advertiz que ledit feu Chartier, qui depuis ledit coup a fait grant chière et vescu par l’espace de trente quatre jours ou environ, par faulte de bon gouvernement ou autrement est allé de vie à trespassement. Et à ceste cause lesdiz supplians, doulbtans rigueur de justice, se sont absentez du pays, ouquel ne en nostre royaume ilz n’oseroient jamais retourner, converser ne demourer, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, si comme ilz dient en nous humblement requerant que, attendu que toujours ilz ont esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actains ne convaincus d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous leur veuillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pourquoy, etc. au seneschal de Poictou ou à son lieutenant, etc. Donné à Tours, ou [p. 312] moys de février, l’an de grace mil cccc. soixante dix neuf, et de nostre règne le xixme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. T. Foulet. — Visa. Contentor. Rolant. — Registrata.


1 Sic. Le copiste a écrit par distraction « Guillaume », au lieu de « Glaude ».