MDLXIX
Lettres d’abolition octroyées à Pierre de Dercé, écuyer, de toutes les menées et machinations contre le roi auxquelles il a pris part, à condition qu’il prêtera serment sur la vraie croix qu’il ne sait rien de [p. 72] plus que le contenu desdites lettres et que, si quelque chose de préjudiciable au roi vient à sa connaissance, il le révélera.
- B AN JJ. 224, n° 5, fol. 8
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 71-78
Loy, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre de Dercé1, escuyer, contenant que luy [p. 73] estant en nostre ordonnance soubz la charge et conduicte de Joachin Rouault, chevalier, il a esté anciennement adverty de plusieurs pratiques, menées et trafficques faictes à l’encontre de nous, nostre royaume et la chose publique d’icellui par plusieurs noz malveillans, rebelles et desobeyssans subgectz, et mesmement en ce que Jehan de Dercé, son frère, luy a dit autresfoiz qu’il emmeneroit au service du duc de Calabre2 douze ou treize hommes d’armes de la compaignie du seigneur du Fou et sembloit audit suppliant que s’estoient ceulx qui avoient delaissé la compaignie dudit Joachin Rouault3. Aussi luy dist sondit frère qu’il trouvast façon et manière de gaigner le plus de gens d’armes qu’il pourroit dudit Joachin pour les mener ou service dudit duc de Calabre ; à quoy ledit suppliant s’accorda et [p. 74] dist à sondit frère qu’il feroit ce qu’il luy conseilleroit, mais il n’en a parlé à aucuns gens d’armes, pour ce que, huit ou dix jours après, l’appoinctement d’entre nous et les Angloix fut faict et conclud. Aussi en ce que sondit frère luy dist au voyage de Saint-Quentin, en chevaulchant ensemble : que mauldiz feussent les Angloys, dont ilz s’en estoient si tost retournez, car il croyoit que beaucoup de gens en auroient à faire et qu’ilz devoient plus avant entrer ou royaume, et que ledit duc de Calabre se devoist aller joindre avec le duc de Bretaigne, et ne devoient point appoincter lesdiz Angloys sans ledit duc ne beaucoup d’autres. Et deffendit icellui Jehan de Dercé audit suppliant qu’il n’en parlast point ; et pareillement luy dist icellui Jehan de Dercé à Bar-le-Duc qu’il savoit bien pour quelle cause Regnaut de Velourt4 avoit esté executé [p. 75] et que c’estoit pour ce qu’il avoit porté le scellé dudit duc de Calabre au duc de Bretaigne. Et en ce que ledit Jehan de Dercé dist audit suppliant que le duc de Calabre avoit de grans aliances avec le roy de Secille, les ducs de Bretaigne et de Bourgoingne et avec le feu connetable, en luy disant aussi que les Angloys estoient descenduz et estoient avec lesdiz duc de Bourgoingne et connetable. [p. 76] Et semblablement en ce que ledit Joachin Rouault manda audit suppliant, luy estant en la ville d’Eu, qu’il ne mist point le feu en ladicte ville, combien que le roy luy eust mandé, maiz neantmoins il luy meist. Et avecques ce, que à son retour de ladicte ville d’Eu, il trouva à Dieppe ung nommé Ernoulet, faulconnier dudit Jehan de Dercé, son frère, et luy demanda dont il venoit, qui luy dist qu’il venoit de Bretaigne porter des oyseaulx au chancellier de par ledit Joachin Rouault, et plusieurs autres semblables choses asteues5 ledit suppliant, dont il n’est à presens recors. Et combien que ledit suppliant sceust, entendist apperceust et congneust aucunement que lesdictes praticques, menées et trafficques feussent et tournassent à grant prejudice et dommaige à nous, nostre royaume et la chose publicque, et qu’il nous en deust avoir adverty, comme bon et loyal subgect et serviteur, neantmoins il ne l’a pas fait, mais l’a teu et celé en grandement mesprenant et delinquant envers nous6 … à justice en nous humblement requerant que, attendu qu’il nous a [fidelement7] servy en noz guerres et autrement au mieulx qu’il a peu, et aussi ses (sic) predecesseurs, et fera encores, s’il nous plaist le y employer et est très fort dollant, courroussé et desplaisant dont il a failly envers nous et que jamais n’a entencion le faire, maiz nous sera bon et loyal subgect, il nous plaise luy quicter et pardonner les faiz et cas dessusdiz et autres deppendans d’iceulx, et sur ce luy octroyer et impartir noz grace et misericorde. Pourquoy nous, ce consideré et en faveur d’anciens nos especiaulx officiers et serviteurs prouchains parens dudit suppliant, nous les faiz et cas dessus declairez et autres deppendans d’iceulx, avons audit [p. 77] suppliant quicté, remis, pardonné et aboly, et, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal quictons, remettons, pardonnons et abolissons par ces presentes, avec toute peine, [offence8] et amende corporelle, criminelle et civille, en quoy, pour occasion desdiz cas, il pourroit estre encouru envers nous et justice. Et l’avons remis et restitué, remettons et restituons à sa bonne fame et renommée et à ses biens non confisquez. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, present et advenir. Si donnons en mandement par ces presentes, à noz amez et feaulx conseillers les commissaires par nous ordonnez à faire et parfaire les procès dudit Joachin Rouault et autres prisonniers estans à Tours, au bailli de Touraine, au juge des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de noz presens grace, quictance et pardon ilz facent, seuffrent et laissent, et chacun d’eulx en droit soy, ledit suppliant joyr et user plainement et paisiblement, sans luy faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun arrest, destourbier ou empeschement en corps ni en biens, en aucune manière ; maiz se son corps ou aucuns de sesdiz biens sont ou estoient pour ce prins, saisiz, arrestez ou autrement empeschez, qu’ilz et chacun d’eulx le luy mettent ou facent mettre, incontinant et sans delay, à plaine delivrance. Car ainsi nous plaist il estre fait. Pourveu toutesvoyes que ledit suppliant sera tenu faire serment solempnel sur la vraye Croix monsieur Saint Lou, en la touchant manuellement, qu’il n’a sceu autres choses, à nous et nostre royaume prejudiciables, que les [p. 78] choses dessusdictes, et que s’il luy vient en memoire d’en avoir aucune autre chose sceu, qu’il nous en advertira et que doresenavant il nous sera tel comme bon et loyal subgect doit estre à son souverain seigneur. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Donné à Lyon sur le Rosne, le xxie jour de juing, l’an de grace mil cccc.lxxvi, et de nostre règne le xvme.
Ainsi signé : Par le roy, les sires de Gyé9, d’Argenton10, du Lude11, gouverneurs (sic) du Daulphiné, les sires de Saint-Pierre12, du Bouchaige13 et autres presens, J. Berriau.