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MDCXXVI

Rémission obtenue par Colas Sicart, auteur d’un meurtre, commis, cinq ans auparavant, à Laspois. près Argenton-Château, où il demeurait alors avec son père, sur la personne de Macé Audigier, avec lequel il s’était querellé, puis battu, parce qu’il l’avait surpris emportant des brandes d’un champ appartenant à sondit père.

  • B AN JJ. 205, n° 147, fol. 77
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 244-246
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas Sicart, povre homme de labour, chargé de jeune femme et de deux petitz enfans, contenant que ung jour de samedi, ou moys de decembre l’an mil cccc soixante treze, ledit suppliant, qui lors demouroit ou village de la Cepaie près Argenton le chastel en nostre pays de Poictou, en communité de biens avecques Jehan Sicart, son père, demourant audit lieu, ung pou devant vespres d’icelluy jour, ainsi qu’il eut laissé de faire sa besongne comme les autres de son estat ont acoustumé faire, print soubz son braz à l’ostel de sondit pere cinq ou six ripoisses1 à prendre oyseaulx et s’en alla droit à certaines brandes appartenans à sondit père et ses freres cheurs, assises comme à trois traiz ou gectz d’arc dudit lieu de la Cepaie, près autres brandes appellées les brandes communaulx, pour veoir s’il trouveroit point de repaire d’assées ou becaces, pour illec y tendre lesdiz ripoisses. Et quant [p. 245] il eut ung pou cheminé, apperceut que [dans] les brandes de sondit père avoit ung homme et une femme qui les cueilloient ; au moien de quoy icelluy suppliant se hasta ung pou de cheminer, pour savoir qui s’estoit, et avant qu’il y peust estre arrivé, lesdiz homme et femme eurent fait chacun son faiz desdictes brandes qu’ilz chargèrent à leur coul et les emportoient et venoient contre ledit suppliant. Par quoy icelluy suppliant s’arresta et les attendy à venir droit à luy ; et si tost qu’ilz aprouchèrent de luy, aperceut que c’estoit Macé Audigier et Jehanne Audigière, sa fille. Ausquelz et mesmement audit Audigier ledit suppliant dist et remonstra tout gracieusement que c’estoit mal fait à luy de prendre et ainsi emporter la brande de son père, et que la laissast. Lequel Audigier luy respondi bien arrogamment que non feroit pas pour luy. Et lors ledit suppliant luy repplicqua que si feroit et que s’il ne le laissoit, qu’il savoit bien que sondit père le feroit adjourner et l’en mettroit en justice, et luy feroit reparer. En hayne de quoy ledit Audigier deschargea à terre ledit faiz de brande qu’il avoit à son coul et tira d’icelluy ung grant pal fourché dont il le portoit, duquel en courant impetueusement contre icelluy suppliant, il le voult frapper d’estoc, mais ledit suppliant se destourna dudit cop, et en faisant print ledit pal fourché par le bout dont ledit Audigier l’en vouloit estoquer, et par ce moien empescha que icelluy Audigier ne l’en frapast. Ce que veoiant icelluy Audigier, desplaisant et courroucé qu’il ne povoit executer sa mauvaise voulenté, tira de sa puissance ledit pal fourché et s’efforça par plusieurs foyz l’oster audit suppliant, pour l’en vouloir oultraiger ; mais icelluy suppliant le tint si fort que icelluy Audigier ne luy peut oster. Et ainsi qu’ilz tiroient d’une part et d’autre ledit pal fourché et le demenoient chacun de sa part, en se combatant à qu’il demoureroit, il advint par meschief que ledit suppliant en frappa ung cop seulement par la teste dudit feu Audigier, [p. 246] au dessus de l’oreille du costé senestre, au moien duquel cop ysseit grant effusion de sang, et ledit Audigier, qui tout le temps d’esté paravant prouchain passé avoit esté malade et n’avoit gueres estoit venu à convalescence, cheut à terre. Ce que voyant, ledit suppliant, courroucé et desplaisant dudit cas advenu, se party d’illec et y laissa ledit Audigier et sadicte fille, laquelle incontinant s’en courru droit au bourg de Moustier où icelluy Audigier demouroit. Et tantost après la femme dudit Audigier et autres alèrent, comme on dit, au lieu où icelluy Audigier estoit cheu et l’en enmenerent en son hostel audit lieu de Moustier. Auquel lieu, le lundi ou mardi ensuivant, par mauvais gouvernement, faulte de myre ou autrement, ledit Audigier ala de vie a trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, dès lors se absenta de pays et depuis n’y osa regner (sic) ne converser et ne feroit encores de present, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu qu’il a tousjours esté de bonne et honneste vie et conversacion en tous ses autres faiz et affaires et s’est doulcement et paisiblement gouverné, sans jamais avoir esté noté ne actaint d’aucun autre villain cas ou blasme reprehensible, et que ledit cas est avenu par meschief et avanture, il nous plaise sur ce luy impartir nosdiz grace et pardon. Pourquoy, etc., au seneschal en Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de fevrier, l’an de grace mil cccc. soixante dix huit, et de nostre règne le xviiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Foulet. — Visa.


1 Le Dict. de l’anc. langue française de F. Godefroy cite ce mot d’après le présent texte, et n’en donne point d’autres exemples.