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MDCXLVI

Rémission donnée en faveur de Guillaume Goyet, brigandinier et fourbisseur, détenu prisonnier à Thouars pour le meurtre de Thomas Fauconnier, qui lui avait cherché querelle et lui avait porté les premiers coups.

  • B AN JJ. 205, n° 417, fol. 237
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 307-309
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France, savoir faisons à tous presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume Goyet, brigandinier et fourbisseur, natif de Chasteaugontier, aagé de xxx. ans ou environ, à présent estant prisonnier en noz prisons de Thouars, contenant que, le xvime jour de decembre derrenier passé, luy estant en ladite ville de Thouars, en l’ostel et ouvrouer d’un nommé René Roulleau, aussi brigandinier et fourbisseur, où il besongnoit de sondit mestier comme varlet aloué, survint à luy ung nommé Thomas Faulconnier, lequel luy dist qu’il estoit venu ung maistre de leur mestier nommé Jaques Nyeau en luy priant qui le allassent veoir et boire ensemble. Auquel ledit suppliant respondit qu’il ne yroit point, pour ce que ledit Regné, son maistre, n’estoit pas à l’ostel et qu’il ne pouvoit laisser l’ouvrouer sans garde. Et incontinent que ledit Regné, son maistre, fut venu, ledit suppliant s’en alla, par le congié de sondit maistre en l’ouvrouer d’un autre ouvrier dudit mestier nommé Petit Jehan, brigandinier aussi, maistre dudit Thomas Faulconnier, ouquel ouvrouer il trouva lesdiz Petit Jehan, le maistre, et Thomas son varlet ; auquel Petit Jehan icellui suppliant demanda se ledit Denyeau estoit venu, lequel luy dist que non. Et alors ledit Thomas, varlet dudit Petit Jehan, print les parolles et respondit que par la mort Dieu si estoit et luy faisoit habiller une carpe pour son soupper en l’ostel de la Mervaulde, priant audit suppliant qu’ilz y alassent boire. Lequel suppliant luy respondit qu’il n’yroit point, pour ce qu’il n’avoit point d’argent. [p. 308] Et adonc ledit Thomas dist audit suppliant : « Ne te souffre, je paieray pour toy », et le print par dessoubz le braz et le contraignit y aller. Et quant ilz furent oudit hostel de ladite Mervaulde, beurent illec pinte de vin, et après qu’ilz eurent beu, ledit suppliant s’en voult retourner et dist audit Thomas qu’il paiast, comme il luy avoit promis. Lequel Thomas luy dist qu’il n’en feroit riens. A quoy ledit suppliant respondit : « Je savoye bien que ainsi m’en prendroit. » Sur lesquelles parolles survint ledit Petit Jehan, maistre dudit Thomas, auquel ledit suppliant pria et requist qu’il paiast pour luy ou qu’il en repondist à leur hostesse, ce que ledit Petit Jehan fist voulentiers. Et après plusieurs parolles, non obstant que ledit Thomas contraignist tousjours ledit suppliant à demourer oudit hostel, se departit icelluy suppliant d’illec et s’en ala à l’ostel dudit René Roulleau son maistre, où il se print à besongner comme il avoit acoustumé et illec besongna jusques environ l’eure de six heures au soir, à laquelle heure ledit Thomas vint en l’ouvrouer d’icelluy Regné et le salua, en luy requerant qu’il luy baillast à besongner ; ce que ledit Regné fist. Et fist bailler audit suppliant qui besongnoit ses houstilz audit Thomas ; lequel Thomas se assist et besongna deux ou trois traiz sur une espée qui estoit sur le hastellier, et après la laissa incontinent et dist audit suppliant qu’ilz alassent soupper en l’ostel de ladite Mervaulde. Lequel suppliant luy dist qu’il ne yroit point. Et lors ledit Thomas en yssant dudit ouvrouer et en s’en alant, regnia Dieu que si feroit et jura les vertuz Dieu que, s’il n’y aloit avant qu’il dormist, il s’en repentiroit. Et incontinent après retourna, ung bracquemart tout nu en son poing, et entra dedans ledit ouvrouer et lança dudit bracquemart deux ou trois coups du plat sur ledit suppliant et s’efforça de le frapper d’estoc ; mais ledit suppliant se couvrit d’un baston dont il fourbissoit, et l’eust blecié dudit estoc, se n’eust esté ledit Regné, son maistre, qui se mist entre eulx deulx et les [p. 309] departit. Et lors ledit suppliant dist le plus doulcement qu’il peut par plusieurs foys audit Thomas qu’il s’en alast et qu’il ne luy demandoit riens. Lequel Thomas respondit qu’il n’ystroit dudit ouvrouer pour luy ne pour son maistre. Et pour ce que ledit René apperceut que ledit Thomas estoit esmeu, trouva moien de le mettre hors, en luy disant qu’il s’en alast, mais ledit Thomas s’efforça tousjours rentrer en icelluy ouvrouer. Ce que voyant, ledit suppliant, doubtant que icelluy Thomas, qui estoit fort esmeu et tenoit tousjours ledit bracquemart nu en son poing, luy fist desplaisir et pour le cuider garder d’entrer oudit ouvrouer, print une espée nue qui estoit en icelluy ouvrouer et se mist à l’endroit de la porte dudit ouvrouer où il poussa et mist ladite espée, qu’il tenoit nue en son poing, comme à demy hors de ladite porte, sans avoir intencion ne vouloir de frapper ledit Thomas, mais le faisoit pour cuider evitter à plus grant inconvenient ; contre la poincte de laquelle espée ledit Thomas, qui estoit eschauffé et avoit beu, en soy perforçant entrer oudit ouvrouer, pour courir sus audit suppliant et le vouloir frapper dudit bracquemart, se hurta et frappa luy mesmes parmy le ventre tellement qu’il cria qu’il estoit blecié et s’en alla d’illec. Et le lendemain de ladicte blessure ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant a esté constitué prisonnier en noz prisons de Thouars, où il est en voye d’y miserablement finer ses jours, se par nous ne luy estoient imparties noz grace et misericorde, humblement requerant icelles. Pour quoy, etc., au seneschal de Poictou ou à son lieutenant audit Thouars et à tous, etc. Donné à Tours, ou moys de janvier, l’an de grace mil cccc. soixante dix neuf, et de nostre regne le dix neufviesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil Texier. — Visa. Contentor. Rolant. — Registrata.