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MDCLIX

Rémission donnée en faveur d’Antoine Du Selier, écuyer, coupable d’un meurtre à Mondion, le jour de S. Laurent, fête du pays. Survenant au moment où son ami et voisin Simon Du Val, sr de la Chaume, venait d’être frappé à mort, et voyant penché sur lui un homme, nommé Jean Boncoignée, qui voulait l’aider à se relever, il le prit pour l’auteur de l’agression et lui porta à la tête un coup de braquemart, dont il mourut huit jours après.

  • B AN JJ. 208, n° 99, fol. 54
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 346-348
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Anthoine du Selier1, [p. 347] escuier, chargé de femme et d’enffans, contenant que, le dixiesme jour d’aoust, feste saint Laurens derrenier passé, environ souleil couschant, ledit suppliant se trouva ou villaige de Mondyon où illec avoit assemblée et feste, ainsi que l’en a acoustumé faire audit jour et feste dudit saint Laurent, où illec plusieurs gens se trouvent pour faire ladite feste et aussi pour le voyaige qui y est, et y avoit plusieurs gentilzhommes d’illec environ et entre autres ung nommé Simon Du Val, seigneur de la Chaume2, qui eut plusieurs grosses parolles avecques ung nommé Etienne Ferron, qui estoit acompaigné de son père et autres ses frères. Et pour raison et à cause desdictes grosses parolles et sans dire quelque chose que ce soit, ledit Estienne Ferron se baissa et print une pierre ou son poing et la gecta contre ledit Simon Du Val, de laquelle il en assena auprès de l’oreille, dont il tumba a terre presque mort, et de fait morut du coup de ladicte pierre gectée par ledit Etienne Ferron, environ l’heure de mynuit. Et ce pendant que ledit Simon Du Val, seigneur de la Chaulme, estoit ainsi abatu à terre et paravant sondit trespas, illec survint ung nommé Jehan Boncoignée qui se gecta sur luy pour luy cuider relever la teste, luy cuidant aider à lever. Et alors les gens qui illec estoient commancèrent à crier à haulte voix : « Monseigneur de la Chaume est mort. » Ledit suppliant estant assez loing de là, oyant ledit cry, tout esmeu et eschauffé et aussi que ledit Simon Du Val estoit son grant amy et prouchain voisin, vint par devers luy et trouva ledit Jehan Boncoignée qui estoit sur luy et cuidoit de fait que ce feust celluy qui avoit donné [p. 348] ledit coup de pierre et qu’il vouloit tousjour poursuir ledit de la Chaume pour le vouloir eschever de tuer, tira ledit suppliant son braquemart et en donna ung coup de chaude colle sur la testée audit Boncoignée au dessus du front, non le cuidant le tuer. Et alors voyant ledit suppliant qu’avoit ainsi blecé ledit Boncoignée fut fort doulant et marry, car jamais n’avoit eu noise ne debat à luy. Et environ sept ou huit jours après, pour raison dudit coup, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ledit Boncoignée alla de vie à trespas, et à la fin de ses jours pardonna sa mort audit suppliant. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté hors du païs, où il n’oseroit jamais bonnement converser ne demourer, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, ainsi qu’il nous a fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant icelles. Pour quoy nous, etc., etc., audit suppliant ou cas dessusdit avons quicté, remis et pardonné, et par la teneur, etc., quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus dit, avec toute peine, etc., en mettant en neant, etc. Et l’avons restitué, etc. Et sur ce imposons, etc. Si donnons en mandement, etc., au seneschal de Poitou ou à son lieutenant, etc., que de noz presens grace, etc. Sauf, etc. Donné à Chinon, ou mois de septembre, l’an de grace mil cccc. quatre vings, et de nostre règne le vingtiesme.

Ainsi signé : Par le Conseil. Budé. — Visa. Contentor. Texier.


1 Dans les deux notes qu’il a recueillies sur la famille Du Sellier ou Du Cellier, du Châtelleraudais, le Dict. des familles du Poitou dit qu’Antoine Du Sellier transigea, le 20 novembre 1483, avec Olivier de Mausson, écuyer, seigneur de la Bonnière et de la Cassine. (Nouv. édit., t. III, p. 262.)

2 Sans doute l’hôtel noble de la Chaume-en-Poitou, paroisse de Doussais, mouvant de la baronnie de Puygarreau, à laquelle il devait hommage lige et une redevance de dix sous à muance de seigneur. (L’abbé Lalanne, Hist. de Châtelleraud, 2 vol. in-8°, t. I, p. 457.)