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MDXCV

Rémission accordée à Mathurin Audebaut, écuyer, âgé de vingt-six ans, coupable du meurtre de Jean Payneau, laboureur, qui lui avait cherché querelle et dont le frère Thénot l’avait assailli à coups d’aiguillon, ce qui l’avait contraint à se servir de sa dague contre eux.

  • B AN JJ. 206, n° 1134, fol. 245 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 162-164
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Mathurin Audebaut, jeune escuier, aagé de xxvi. ans ou environ, contenant que puis xv. moys ença, feu Guiart Audebaut1, son père, en son vivant seigneur de la Perronnière, est alé de vie à trespas, délaissez entre autres ses enfans, René Audebault, son filz aisné, et ledit suppliant, et par ledit trespas a ledit René, comme filz aisné, recuilly toute la succession dudit Guyart Audebaut, leur père, sur laquelle, selon la coustume du païs de Poictou, il est tenu faire et bailler audit suppliant provision en attendant le retour de ladicte succession ; sur laquelle provision il luy a baillé certains héritaiges estans en la parroisse de Aubiers, et pour son loigiz luy a donné une maison et jardin assise au villaige de la Galière. Et pour ce que ladicte maison [p. 163] estoit fort ruyneuse, icelluy suppliant a naguières entreprins de faire démolir ladicte maison, pour icelle reedifier et l’eslargir sur une saillie estant contre ladicte maison. Et le lendemain [de la feste] Saint Jehan-Baptiste derrenièrement passée, se transporta ledit suppliant audit lieu de la Galière et y fist aler quatre ou cinq hommes, laboureurs de bras, lesquelz abatirent ladicte maison, et [a] la relevée dudit jour, ainsi que lesdiz hommes prenoient leur repas, se partit d’avec eulx ledit suppliant et ala regarder la manière de faire sondit édiffice. Et luy estant illec, survint ung nommé Jehan Payneau l’aisné, laboureur, demourant audit lieu de la Galière ; lequel s’arresta illec et dist audit suppliant qu’il ne souffriroit point à icelluy suppliant qu’il édifiast ou accreust sondit édifice en manière que le chemin qui estoit illec près fust empesché. Dont ledit suppliant, qui est noble homme, voyant l’entreprinse ou empeschement que ledit Peyneau se vantoit luy faire, fut desplaisant, et à ceste cause se meurent parolles entre eulx, tellement que ledit suppliant tira sa dague et du plat d’icelle frapa sur les espaules dudit Peyneau quatre ou six cops sans le blecier ou mutiler ; et après remist icelluy suppliant sadicte dague en son fourreau, considerant qu’il n’auroit point de honneur à le batre, pour ce qu’il estoit viel et ancien, et atant se departyt d’illec ledit Peyneau. Mais incontinent accourut à son secours ung nommé Thenot Peyneau, son frère, et d’un grant aguillon fort et poisant dont il touchoit ses beufz, frapa ung cop ou deux icelluy suppliant sur la teste, par quoy ledit suppliant soy voyant ainsi batu et oultraigé, dobtant que lesdiz Jehan et Thenot Peyneaulx le voulsissent encores plus batre, tira derechief sadicte dague, et trouva moyen de oster ledit aguillon audit Jehan2 Peyneau, lequel en ce faisant se print [p. 164] à ladicte dague et se bleça ung peu en deux des doiz de sa main, et en la retirant ledit suppliant en frapa troys ou quatre cops du plat icelluy Jehan Payneau par la teste et par l’eschine, tellement que ladicte dague luy sailly hors la main et cheut à terre. Et ainsi que ledit suppliant amassoit à terre sadicte dague, ledit Jehan Payneau qui avoit prins une grosse pierre en son poing, luy donna de ladicte pierre ung cop par la teste tellement qu’il luy abatit son chapeau et son bonnet, et non content de ce le print aux cheveux à deux mains et lui bailla la jambe pour le cuider abatre, tellement que icelluy suppliant, sentent le mal que luy faisoit ledit Payneau, frapa icelluy Payneau du taillant de ladicte dague par l’eschine et luy couppa son vestement sans autrement le blecier ; mais delà ledit suppliant recouvra et frapa ung autre cop de sadicte dague au droit du jarret icelluy Jehan Payneau, tellement qu’il en issist sang. Et ce fait s’en ala ledit Payneau en sa maison, où le lendemain ensuivant, par faulte de gouvernement ou autrement, il ala de vie à trespas. A l’occasion duquel cas ledit suppliant s’est absenté, etc., requerant, etc. Pourquoy, etc., à icelluy suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal du Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet, l’an de grace mil cccc. soixante dix sept et de nostre règne le xvime.

Ainsi signé : Par le Conseil. De Villechartre. — Visa. Contentor. Picart.


1 Guyard Audebaut, écuyer, seigneur de la Péronnière et de Villegay, fils aîné de Pierre Audebaut et de Marie d’Appelvoisin, servit au ban de 1467 comme homme d’armes du sr de la Grève, et hérita l’année suivante de sa sœur, veuve de Nicolas Massé, sr de Villegay. Marié, vers 1430, à Catherine Aménart, fille de Jean, écuyer, sr des Noyers, il en eut plusieurs enfants, entre autres René, écuyer, seigneur de la Péronnière et Villegay, qui épousa Guillemine d’Oiron et testa le 17 septembre 1483 ; Mathurin, écuyer, qui fut seigneur de la Péronnière après son frère aîné, par droit de viage ; Jacques, que l’on trouve qualifié seigneur de la Chavelière en 1471. On ne sait si ces deux derniers eurent postérité. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. Ier, p. 163).

2 Il y a lieu de penser que Thenot avait passé l’aiguillon à son frère pendant la lutte. [L.C.]