MDCXLIX
Confirmation de la rémission précédemment accordée à Gaspar Guillot, de Saint Hilaire-des-Bois, qui, huit ans auparavant, ayant été attaqué furieusement et blessé grièvement par Jean Robin, avait, en se défendant, frappé son agresseur de deux coups de bâton sur la tête dont il était mort quelque temps après.
- B AN JJ. 206, n° 432, fol. 99 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 317-320
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Gaspar Guillot, povre homme de labour, natif de la parroisse de Saint Ylaire du Boys en païs de Poictou, contenant que, huit ans a ou environ, ledit suppliant en la parroisse de la Gaudouynière, en l’ostel d’un nommé Mery Rayneau où il buvoit, survint illec ung nommé Jehan Robin, auquel ledit suppliant presenta à boyre, mais ledit Robin ne volt point boyre. Et après que ledit suppliant eut beu, il s’en ala en ung villaige nommé le Chasteau, auquel lieu on luy dist que, en la maison d’un nommé Jacques Grelier, où ne demouroit personne, y avoit une jeune fille de joye qui y estoit mussée. Et lors ledit suppliant se transporta en ladite maison en laquelle il trouva ladicte jeune fille, à laquelle il parla et demanda si elle vouloit aler avec luy. Laquelle luy respondit qu’elle en estoit bien contente et bailla audit suppliant ung sien chappelon et ung cuevrechief. Et ce fait, s’en alèrent en une vielle maison près d’illec, en laquelle ledit suppliant entra, cuidant que ladicte fille le suyvist, mais elle s’enfouyt et ala autre part. Et en s’en alant rencontra ledit Jehan Robin, qui la tenoit audit hostel. Et quant ledit suppliant, qui n’estoit point embastonné, issit de ladicte maison, il apperceut ledit Jehan Robin avec ladicte fille, embastonné d’une hache et d’une dague, il s’enfouyt dedans le boys de la Bresilière près d’illec, où lesdiz Robin et fille acourceurent ledit suppliant, auquel ledit Robin dist : « Demeure, ribault, [p. 318] car tu es mort. » Et en ce disant, ledit suppliant dist audit Robin qu’il ne luy voulsist faire aucun desplaisir. Mais néanmoins ledit Robin tira sa dicte dague et en volt fraper ledit suppliant par la poictrine ou par le ventre. Mais ledit suppliant recula, par quoy ledit Robin ne le pot fraper, se non en une cuisse où ladicte dague demoura toute une nuyt. Et non content de ce, ledit Robin bailla plusieurs cops de la dicte hache sur le visaige dudit suppliant, luy fendy toute une joue et bleça très enormement, tellement que ledit suppliant ne povoit eschapper que ledit Robin ne l’eust tué, si non que en soy reculant il trouva ung baston de chastaignier, duquel en soy defendant, il donna deux cops sur la teste dudit Robin, dont icelluy Robin cheut à terre ; aussi fist ledit suppliant qui demoura audit lieu jusques au lendemain, que ung nommé Colas Tallereau le trouva tumbé à terre, et avoit encores la dicte dague par my la cuisse. Lequel Tallereau fist tant qu’il envoya ledit suppliant en ung villaige appellé Boys Joly, en l’ostel de Loys Rason, auquel il demoura jusques à ce qu’il fut guery. Pendent lequel temps, vindrent en l’ostel dudit Rason Mathé et Guillaume Robins et ung nommé Gasches, acompaignez de troys autres qui avoient des brigandines et autres bastons invasibles, feignans estre sergens, et disoient avoir commission de prendre ledit suppliant ; et l’eussent prins, mais il trouva façon d’eschapper. Mais ilz prindrent une sienne bourse en laquelle avoit dix escus, son pourpoint, ses chausses et chappeau, et aussi emportèrent deux boysseaulx de froment, une couverte de lit et ung pot de beurre. Et après que ledit suppliant fut guery, il s’en ala demourer avec le seigneur de la Chasteigneroye1, avec lequel il demoura l’espace de troys ans. [p. 319] Pendent lequel temps l’en rapporta à icelluy suppliant que ledit Jehan Robin estoit alé de vie à trespas au moyen des cops qu’il luy avoit baillez en soy defendant. Duquel cas, combien que ledit suppliant ait jà pieça de nous obtenu lettres en forme de pardon, neanmoins à l’occasion de ce qu’elles ont esté perdues par ung des serviteurs de André de Vivonne2, qui les portoit par devers la justice de Poictiers, [p. 320] pour en avoir l’enterinement, et aussi pour ce que, pour raison dudit cas, ung nommé Pierre Robin, frère dudit feu Jehan, ès vendenges dernières, se rendit partie civile par emprisonnement à l’encontre dudit suppliant et icelluy fist mettre prisonnier ès prisons de nostre ville de la Rochelle, où il a tousjours demouré enferré et encores y est de present. Et dobte, etc. se nostre grace, etc., requérant, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de mars, l’an de grace mil cccc. soixante dix neuf, et de nostre règne le xixme, avant Pasques.
Ainsi signé : Par le conseil. Amys. — Visa. Contentor. D’Asnières.